samedi 4 mai 2019

Police Python 357 (A. Corneau, 1976)




Après un premier film étrange et qui fait feu de tout bois (l’étonnant France société anonyme), Alain Corneau entre dans le rang et réalise un film beaucoup plus conventionnel et posé, qui mélange histoire d’amour et polar. Le jeu du triangle amoureux est parfaitement construit avec l’inspecteur qui tombe amoureux de la maîtresse de son commissaire. Mais l’un et l’autre l’ignorent et le commissaire, comprenant qu’il est en train de perdre sa maîtresse, la tue et tous les indices amènent à l’inspecteur. C’est d’ailleurs à partir du meurtre de la jeune femme que le film prend son envol : la première demi-heure est trop académique et plan-plan, mais, après ce démarrage en demi-teinte, le film est très prenant.
Corneau construit une atmosphère assez sombre et triste (désespérée, même, pour le personnage principal), il utilise parfaitement ses excellents interprètes (Yves Montand et François Perrier) et fait parfaitement monter la tension à mesure que le piège se resserre autour de l’inspecteur. Le voir éviter les témoins qui le reconnaissent est un excellent ressort scénaristique, qui évoque Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon de de E. Pétri, mais en utilisant ce jeu du chat et de la souris d’une tout autre manière. Ici l’inspecteur, dans une scène choc, ira jusqu’à se défigurer pour n’être pas reconnaissable.



Corneau prend avec ce polar noir la succession de Melville, non pas tant dans la forme (s’il est rigoureux et efficace, Corneau n’a pas l’extraordinaire épure stylistique de Melville) que dans les personnages, qui sont, comme chez son illustre aîné, des professionnels taiseux et solitaires, en marge de la société. Montand joue d’ailleurs ici un flic qui aurait pu être celui du Cercle rouge, quelques temps avant de quitter la police. On retrouve ainsi cette image fascinante des personnages brisés, aux regards absents, qui ont déjà tout perdu. Et Corneau emmène ses personnages dans un Orléans vide et froid – qui évoque là aussi la géométrie melvillienne – sur des tons d’abord gris puis de plus en plus sombres (notamment lors de la séquence de l’auto-mutilation).
La toute fin, qui prend des allures d’inspecteur Harry sur le retour alors que l’intrigue est dénouée, déçoit un peu, d’autant plus qu’elle ne semblait pas nécessaire.

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