Kaurismäki filme un désastre social, avec l’irruption du
chômage chez Lauri d’abord puis très vite chez Ilona, accablant le couple qui
est comme violemment frappé par le sort (avec un mauvais tirage de cartes pour
Lauri !).Le ton du film oscille alors entre le néoréalisme italien –
avec cette mise en avant de gens ordinaires, pris dans le chômage et
l’alcoolisme et dans leur combat quotidien pour vivre – et le réalisme
poétique, avec Ilona et Lauri, le couple au centre du film, qui s’aiment
par-dessus tout, sans avoir besoin de parler, encaissant la violence sociale
qui les frappe à coups répétés.Le regard du réalisateur sur ses personnages est tout de
dignité et de respect, face à leur humilité, face à leurs tentatives pour s’en sortir,
leurs échecs, leur désarroi, avec toutes les portes qui se referment tour à
tour. Et puis, doucement, s’accrochant à
ce qu’ils peuvent, aidés par des amitiés simples, ces petites gens remontent la
pente et Kaurismäki saisit leur remontée, mélange d’espoir, d’inquiétude et de
foi récompensée.La sobriété du style ne doit pas masquer la grande maîtrise
du réalisateur qui construit avec soin ses plans : par exemple la scène du
cuisinier ivre qu’il faut maîtriser, en début de film, qui est construite autour
d’un plan fixe qui laisse délibérément l’action hors-champ, créant ainsi une
forme d’humour. Humour que dissémine d’ailleurs Kaurismäki – c’est une gageure
vu le ton du film – par petites touches discrètes mais présentes. Le travail
sur les couleurs – avec des éclats de bleu froid ou de rouge chaud sur un fond
plus terne –, le jeu taiseux et volontiers peu expressif des comédiens qui
éloignent tout sentimentalisme et tout apitoiement, le regard fin sur la
société finlandaise, font d’Au loin s’en
vont les nuages, une belle réussite, même si le film n’a pas la belle
poésie du Havre.
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