mardi 11 juin 2019

Au loin s'en vont les nuages (Kauas pilvet karkaavat de A. Kaurismäki, 1996)





Kaurismäki filme un désastre social, avec l’irruption du chômage chez Lauri d’abord puis très vite chez Ilona, accablant le couple qui est comme violemment frappé par le sort (avec un mauvais tirage de cartes pour Lauri !).Le ton du film oscille alors entre le néoréalisme italien – avec cette mise en avant de gens ordinaires, pris dans le chômage et l’alcoolisme et dans leur combat quotidien pour vivre – et le réalisme poétique, avec Ilona et Lauri, le couple au centre du film, qui s’aiment par-dessus tout, sans avoir besoin de parler, encaissant la violence sociale qui les frappe à coups répétés.Le regard du réalisateur sur ses personnages est tout de dignité et de respect, face à leur humilité, face à leurs tentatives pour s’en sortir, leurs échecs, leur désarroi, avec toutes les portes qui se referment tour à tour. Et puis, doucement, s’accrochant  à ce qu’ils peuvent, aidés par des amitiés simples, ces petites gens remontent la pente et Kaurismäki saisit leur remontée, mélange d’espoir, d’inquiétude et de foi récompensée.La sobriété du style ne doit pas masquer la grande maîtrise du réalisateur qui construit avec soin ses plans : par exemple la scène du cuisinier ivre qu’il faut maîtriser, en début de film, qui est construite autour d’un plan fixe qui laisse délibérément l’action hors-champ, créant ainsi une forme d’humour. Humour que dissémine d’ailleurs Kaurismäki – c’est une gageure vu le ton du film – par petites touches discrètes mais présentes. Le travail sur les couleurs – avec des éclats de bleu froid ou de rouge chaud sur un fond plus terne –, le jeu taiseux et volontiers peu expressif des comédiens qui éloignent tout sentimentalisme et tout apitoiement, le regard fin sur la société finlandaise, font d’Au loin s’en vont les nuages, une belle réussite, même si le film n’a pas la belle poésie du Havre.

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