mardi 4 juin 2019

La Comédie de Dieu (A Comédia de Deus de J. C. Monteiro, 1995)





Le style unique de João Cesar Monteiro trouve peut-être sa meilleure expression avec La Comédie de Dieu, dans lequel le personnage de Jean de Dieu s’en donne à cœur joie.
Il est ici glacier de son état (Dieu sert des glaces au Paradis…) et il fait l’étalage non seulement de son savoir-faire mais aussi de son perfectionnisme et de ses lubies, depuis son souci d’une hygiène impeccable jusqu’à, bien sûr, une attention de tous les instants aux corps des femmes, avec la construction d’un écrin pour leur corps, en passant par sa collection de poils pubiens, qu’il complète soigneusement.
Jean de Dieu apparaît comme faune mâtiné de satyre, esthète fétichiste et raffiné, qui tient à la fois de l'univers de Buñuel, du marquis de Sade ou de Jean des Esseintes, le personnage du roman de Huysmans. On pense aussi à Jean-Baptiste Grenouille, le héros du Parfum de Suskind, non pas dans l’approche précieuse ou sexuelle, mais dans l’attention portée aux corps – celui des femmes vierges – d’où l’un extrait une odeur et l’autre une saveur.


Monteiro alterne des moments délicats d’homme de goût avec la crudité et la vulgarité de la séquence de la boucherie ou de celle de la poissonnerie. Mais il fait aussi se côtoyer le raffinement le plus exquis – appuyé par une mise en scène élégante et précieuse – avec le scabreux et le licencieux. C’est ainsi que les mœurs du sieur Jean de Dieu soufflent le chaud et le froid et que se construit l’image d’un satyre fétichiste, qui voue un culte au corps de la femme. Culte au corps de la très jeune femme, même, ce qui lui vaut d’être démoli par le rustaud père, boucher adipeux, violent et primaire.


Monteiro – qui ne laisse à personne le soin d’incarner Jean de Dieu – utilise parfaitement son corps maigre, un peu voûté, au visage en pointe, qui évoque à la fois le Max Schreck de Nosferatu ou l’image d’un faune étrange et sautillant.
Au raffinement du personnage répond celle de la mise en scène avec une photographie magnifique, une fluidité narrative parfaite et une caméra tantôt mobile et tantôt s’arrêtant en de longs plans fixes.
Monteiro, tout de maîtrise, s’amuse (on savoure les clins d’œil, par exemple Jean Douchet joue le glacier Antoine Doinel), choque, envoûte et surprend dans ce film iconoclaste.

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