Ce beau film muet
constitue un magnifique exemple du talent de Ernst Lubitsch, avant qu'il n'emmène son
univers vers le ton de comédie fine et précieuse qui sera sa signature. Ici
Lubitsch prend ses personnage et leur univers au sérieux et construit un très
beau personnage (Lady Erlynne), magnifique de solitude et de sacrifice.
Tout le film est
centré autour de la connaissance parfaite par le spectateur des enjeux et de la
réalité de ce qui se trame, tandis que les différents protagonistes, eux, croient seulement savoir mais ne savent pas tout : s’arrêtant à quelques détails (Lord
Darlington voyant une lettre est persuadé que Lord Windermere trompe sa femme
avec Lady Erlynne) ou s’arrêtant aux choses visibles (Lady Windermere qui se
méprend sur la personne qui courtise Lady Erlynne et qui en déduit que c’est
son mari). Il n’y a que le spectateur qui comprend et qui voit les personnages
se méprendre, s’enfoncer dans leurs erreurs, prêter oreille aux ragots.
Chacun est
pourtant tout à fait sincère et n’a nulle légèreté. Lubitsch l'exprime magnifiquement, par exemple dans ce
très beau plan où Lord Darlington, après avoir avoué son amour pour Lady
Windermere, s’éloigne d’elle – il sait son amour impossible – en même temps
que la caméra dézoome et isole les deux personnages dans la gigantesque pièce.
Et l'éventail du
titre revêt successivement – et très rapidement – plusieurs fonctions :
c'est un cadeau, qui devient ensuite une arme, puis un indice de culpabilité et,
enfin, un signe de sacrifice. Ce traitement magnifique signe la virtuosité du
réalisateur qui, en quelques scènes, en quelques plans, joue avec l'éventail et
le place au cœur du jeu social.
La toute fin,
bien sûr, se permet un quiproquo délicieux sans lequel Lubitsch ne serait pas tout à fait Lubitsch.
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