Film très réussi
de Roman Polanski qui réussit à captiver malgré un scénario dont on connait le dénouement (ce à quoi condamne le sujet du film). Mais il
faut
dire que l’histoire est racontée selon le point de vue
original d'un officier des renseignements, ce qui nous fait une affaire Dreyfus
presque sans Dreyfus (comme si Polanski refusait la voie un peu facile de raconter l'affaire selon le point de vue dreyfusard).
Ainsi, même si on entrevoit Zola, le titre est trompeur : J'accuse n'a rien à
voir avec l’écrivain et son fameux article. Le titre du roman dont s’inspire le
scénario (An Officer and a Spy de Robert
Harris) correspond bien davantage au film (1).
Ce n'est donc ni le personnage de Dreyfus qui intéresse
Polanski, ni l'affaire Dreyfus (dont l’issue est racontée en fin de film, à
grands coups de résumés elliptiques), ni même le scandale fameux qu'a provoqué
l'engagement de Zola. C’est Picquart qui l’intéresse, l’officier
aux ordres, à la progression de carrière fulgurante, qui, progressivement, va douter
et, ce faisant, devenir de plus en plus ambigu : Picquart se bat pour l'armée et non pour Dreyfus, et
encore, uniquement quand il n'a plus rien à perdre (ses doutes sur la
culpabilité de Dreyfus ont d’ores et déjà condamné son avancement). C’est alors
seulement qu’il dévoile ce qu’il sait (lui qui a pu voir le dessous des
fameuses preuves qui n’en étaient pas) et, finalement, il va obtenir gain de
cause et promotion.
Ministre, il balaie Dreyfus d'un revers de main devant ses demandes. Cette
dernière scène est d’ailleurs cruciale pour bien comprendre le personnage qui apparaît
alors comme n’ayant jamais été totalement désintéressé. Si l’on comprend bien
qu’il ne se bat pas pour l’honneur de Dreyfus mais bien plus pour celui de l’armée,
c’est aussi la cause du désespoir qu’il va épouser.
La construction à coup de flash-backs marche parfaitement et certaines
séquences sont très réussies : la séquence d’ouverture, la lecture de la lettre de Zola par les différents protagonistes visés ou encore cette belle idée
de faire d’un immeuble délabré le QG de l'espionnage militaire, en une belle
métaphore de la bassesse de ce travail.
Le film bénéficie aussi de la très bonne interprétation de Jean Dujardin
qui, manifestement, se bonifie avec le temps : lui qui, d’ordinaire, en fait
toujours trop, il est ici très sobre, avec une composition tout en retenue. Il tient
très bien le personnage. Mais la grosse moustache d'époque l’aide en
changeant complètement sa physionomie, de même que la rigidité du port
d'officier qui achève de coincer l'acteur et l'empêche de faire ses facéties.
Il faut noter aussi la belle galerie de portraits que brosse Polanski,
avec de nombreux petits personnages historiques qui sont tous parfaitement caractérisés,
joliment campés, et qui densifient considérablement le film.
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D’ailleurs, si l’idée de Polanski avait été de se servir de Dreyfus, cela eût
été une bien mauvaise idée, puisque le cas de Dreyfus est très différent de son cas : Polanski n'a pas été condamné par erreur, ni avec de fausses preuves, ni au travers d'un complot. Il est bien davantage un condamné sans jugement (jugement auquel il se soustrait, ce que lui reprochent ses détracteurs), ce qui n'a rien à voir.
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