lundi 22 mars 2021

Woman at War (Kona fer í stríð de B. Erlingsson, 2018)

 

Il est bien dommage que, dans ce Woman at War, autour de Halla, la guerrière écolo qui part en croisade, toutes les cases qu’il faut cocher sont consciencieusement cochées, comme pour une leçon bien apprise : le yoga, le vélo, les méchants industriels, les vilains et anonymes policiers, la grosse usine d’aluminium, les photos de Gandhi ou Mandela, le gentil éleveur de moutons, l’adoption de la petite Ukrainienne, le réchauffement climatique, la cavalcade et le combat dans la Nature (se battre avec un arc, se cacher sous la glace ou sous une peau de mouton, se glisser dans l’eau d’une rivière glacée ou dans une source chaude), la communion et l’harmonie avec la Nature, etc.
On aimerait que l’Art, plutôt que de reprendre en boucle toutes les thématiques que la société nous assène, soit capable d’une distance, d’une innocence, d’une liberté, d’une gratuité d’action, sans devoir se glisser, toujours, dans un carcan idéologique imposé.
On aimerait que le cinéma nous montre autre chose qu’une mise en image de cette construction idéologique sans faille et sans finesse que l’on voit partout, et qu’il nous montre plutôt les incertitudes, les fissures, les contradictions, la complexité du monde en fait et non sa réduction à des schémas appliqués. Quelque chose qui soit brûlant ou glacé et non un sempiternel robinet d’eau tiède.

On peut avoir bien du mal, alors, à goûter aux qualités du film, lassé, d’emblée, par cet arrière-plan idéologique qui surgit à chaque instant et à tout propos. Le film est pourtant un mélange bien senti, entre action et portrait de femme, entre ironie et lyrisme, par moment (avec les différents chœurs qui accompagnent l’action d’Halla et la soutiennent, même, à la fin).
Halla est présentée comme une Antigone moderne, avec son combat écolo qui justifie, nous dit le film, d’outrepasser les lois des hommes. Les convictions de cette Antigone ne sont pas questionnées, le sujet n’étant pas de réfléchir à la position écologique, mais de montrer ses actes, qui sont le cœur du film. Halla ne doute pas, le réalisateur ne doute pas, la société ne doute pas, personne ne doute, semble-t-il : les entrepreneurs sont de gros méchants qui ne veulent que détruire, le réchauffement climatique condamne nos enfants, et la conscience citoyenne commande d’agir. Seule la question de l’action est posée (jusqu’où aller, quels risques prendre, etc.). Dès lors on ne peut questionner cet engagement, qui apparait comme indiscutable. La limite de l’action se produit, très simplement, lorsqu’elle vient mettre en danger l’autre grand projet, celui de l’adoption. Tout ce militantisme vient considérablement alourdir le côté pourtant facétieux du conte de Benedikt Erlingsson.
Et le film, derrière sa légèreté, prend cette morale écolo, caricaturale et simpliste très au sérieux : sans doute faut-il voir, dans la dernière séquence, un surgissement des conséquences du réchauffement climatique. Le militantisme du réalisateur, dans cette image de la route inondée où s'avance Halla avec sa petite dans les bras, se confond une dernière fois avec celui du personnage.



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