Très bon récit
d’initiation de Jeff Nichols qui filme avec calme et inspiration l’histoire d’Ellis,
14 ans, qui noue avec Mud, un fugitif bardé d’idéaux et qui vient se substituer à
son père trop falot, une relation complexe qui les nourrira tous les deux.
Une force du
film est dans son récit à double fond : Ellis sortira grandi de cette confrontation
singulière avec le monde des adultes (fait de dangers, de violence et d’idéaux
qui partent en lambeaux), mais Mud aussi, qui parviendra à tourner une page
dans sa vie et à avancer.
L’interprétation
est remarquable : les jeunes Tye Sheridan et Jacob Lofland jouent très
bien ces rôles difficiles de jeunes adolescents et Matthew McConaughey interprète
Mud brillamment, avec son allure de cowboy dégingandé et son accent à couper au
couteau. Il construit parfaitement cette image mythique qu’il déconstruit
ensuite progressivement, à mesure que l’on comprend les idéaux vains qui l’enferment
dans son passé.
La caméra de Nichols,
calme, volontiers esthétisante, répond au ton métaphorique du film. Peut-être
manque-t-il parfois un élan qui emporte Nichols hors des sentiers de l’académisme
et mette son film au diapason des métaphores qu’il côtoie (disons que son film
est inspiré mais qu’il n’est pas poétique). C’est que Nichols multiplie les
symboles : en situant son récit au bord du grand fleuve il sait évoquer
Mark Twain, qui est une des figures matricielles de l’Amérique et les deux
jeunes qui vivent en dilettante au bord de l’eau incarnent on ne peut mieux des
Tom Sawyer et Huckleberry Finn modernes. Ainsi le fleuve, avec l’île cachée en
son sein, mais piégeuse avec sa fosse aux serpents, la maison en bois qui
flotte sur l’eau, de même que Mud lui-même, cet avatar moderne de l’aventurier
cowboy qui croit en l’amour et qui est poursuivi par les terribles sbires du
père qui veut se venger.
La fin
signifiera d’ailleurs le passage à l’adolescence pour Ellis (la destruction de
la maison de bois signant la fin de l’enfance à la Tom Sawyer) et à l’âge
adulte pour Mud (la liberté retrouvée, loin de Juniper, magnifiquement
représentée dans le plan final, sur l’embouchure du fleuve).
Et le film
multiplie les références : de Mark Twain à La Nuit du chasseur (nettement cité), en passant par Un été 42 (avec ces deux jeunes adolescents qui regardent l'autre sexe, chacun à sa façon), Terrence Malick (grande source d'inspiration de Nichols) ou Werner Herzog (le bateau
suspendu dans les arbres vu dans Aguirre
ou, bien entendu, le bateau qui traverse la jungle dans Fitzcarraldo).
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