jeudi 6 mars 2014

Mud : Sur les rives du Mississippi (Mud de J. Nichols, 2012)




Très bon récit d’initiation de Jeff Nichols qui filme avec calme et inspiration l’histoire d’Ellis, 14 ans, qui noue avec Mud, un fugitif bardé d’idéaux et qui vient se substituer à son père trop falot, une relation complexe qui les nourrira tous les deux.
Une force du film est dans son récit à double fond : Ellis sortira grandi de cette confrontation singulière avec le monde des adultes (fait de dangers, de violence et d’idéaux qui partent en lambeaux), mais Mud aussi, qui parviendra à tourner une page dans sa vie et à avancer.
L’interprétation est remarquable : les jeunes Tye Sheridan et Jacob Lofland jouent très bien ces rôles difficiles de jeunes adolescents et Matthew McConaughey interprète Mud brillamment, avec son allure de cowboy dégingandé et son accent à couper au couteau. Il construit parfaitement cette image mythique qu’il déconstruit ensuite progressivement, à mesure que l’on comprend les idéaux vains qui l’enferment dans son passé.
La caméra de Nichols, calme, volontiers esthétisante, répond au ton métaphorique du film. Peut-être manque-t-il parfois un élan qui emporte Nichols hors des sentiers de l’académisme et mette son film au diapason des métaphores qu’il côtoie (disons que son film est inspiré mais qu’il n’est pas poétique). C’est que Nichols multiplie les symboles : en situant son récit au bord du grand fleuve il sait évoquer Mark Twain, qui est une des figures matricielles de l’Amérique et les deux jeunes qui vivent en dilettante au bord de l’eau incarnent on ne peut mieux des Tom Sawyer et Huckleberry Finn modernes. Ainsi le fleuve, avec l’île cachée en son sein, mais piégeuse avec sa fosse aux serpents, la maison en bois qui flotte sur l’eau, de même que Mud lui-même, cet avatar moderne de l’aventurier cowboy qui croit en l’amour et qui est poursuivi par les terribles sbires du père qui veut se venger.
La fin signifiera d’ailleurs le passage à l’adolescence pour Ellis (la destruction de la maison de bois signant la fin de l’enfance à la Tom Sawyer) et à l’âge adulte pour Mud (la liberté retrouvée, loin de Juniper, magnifiquement représentée dans le plan final, sur l’embouchure du fleuve).


Et le film multiplie les références : de Mark Twain à La Nuit du chasseur (nettement cité), en passant par Un été 42 (avec ces deux jeunes adolescents qui regardent l'autre sexe, chacun à sa façon), Terrence Malick (grande source d'inspiration de Nichols) ou Werner Herzog (le bateau suspendu dans les arbres vu dans Aguirre ou, bien entendu, le bateau qui traverse la jungle dans Fitzcarraldo).

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