vendredi 9 juin 2023

Nope (J. Peele, 2022)

 



Brillant et envoûtant film de Jordan Peele qui joue sur la thématique du monstre et oscille entre les genres. Après plusieurs films intéressants mais plus sommaires, Peele offre ici un film d’une toute autre ampleur et d’une très grande maturité.
Par moment horrifique (mais Peele a déjà montré qu’il aimait glisser des séquences gore dans ses films), le film lorgne d’abord du côté de Signes de Shyamalan, avant de partir dans une direction et une complexité très différentes. Cet étrange alien – alien à la forme changeante et que l’on ne peut regarder – pris d’abord pour un OVNI et qui est décrit ensuite comme un prédateur défendant son territoire, entraîne le film sur la double thématique de la verticalité et du regard.

Film sur le regard – et donc sur la mise en scène –, Nope joue sur l’impossibilité de regarder le monstre en face (avec de belles idées scénaristiques), sujet relayé par le caméraman aux allures de Werner Herzog, qui fixe le monstre de sa caméra avant de le regarder droit dans les yeux et qui en sera puni. Il faut tout l’artifice final, avec les flashs de lumière venus du fond du puits, pour saisir une image du monstre. Monstre détruit, dans une ironie délicieuse, par ce cow-boy gonflable qui s’échappe au gré du vent.

Peele rajoute intelligemment une étrangeté à son film, notamment par sa mise en scène très ample par moment (avec des plans larges splendides pour embrasser la vallée et l’offrir au monstre) entrecoupée des étonnantes séquences en flash-back du carnage du chimpanzé, où la caméra joue sans cesse du hors-champ. La façon de filmer le ranch de Otis comme une gigantesque arène dans laquelle il cherchera à dompter le monstre est magnifique. Les structures gonflables qui permettent de détecter le monstre résument parfaitement toute la dimension verticale du film (l’alternance des gonflements/dégonflements annonçant l’avancée du monstre). Et, comme un symbole de cette verticalité, on s’arrêtera sur l’étrange chausson taché de sang qui, sur la scène de carnage du plateau télé, reste mystérieusement planté tout droit, en équilibre.

Et Peele, comme pour sceller le tout, offre un bel hommage à Muybridge, non seulement en le reliant généalogiquement aux protagonistes, mais surtout au travers des photos finales du monstre, idée géniale et parfaitement mise en scène.

 

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