Film admirable,
où tout tourne autour du vent du titre, qui souffle à rendre fou dans ce pays
perdu.
Ce vent commence
par écraser le film, et Letty (magnifique Lillian Gish), qui débarque dans ce
pays infernal, désespère et se recroqueville. Elle se marie avec le cowboy Lige
– qui l’aime mais qu’elle n’aime pas – et tout n’est qu’un enfer. Sjöström
filme avec une virtuosité exceptionnelle ce vent qui s’immisce et qui agite
tout, sans cesse, comme une oppression démultipliée qui déferle à chaque
instant. Puissance métaphysique qui impose un affrontement continuel. Cette hostilité
du vent s’exprime génialement dans le cadavre de Wirt que Letty veut enfouir
dans le sable et qui est sans cesse découvert. Au-delà de ce déchaînement physique
de la Nature, le vent peut être vu comme ces hommes tentés qui tournent autour
de Letty, comme une menace latente. On notera que cette idée est appuyée sur l'affiche originelle (où le nom de Sjöström est américanisé en Seastrom).
Et puis,
progressivement, par la grâce de jeux de regards, à coups de
champs-contre-champs progressifs qui montrent comment Letty, peu à peu, se
tourne vers son mari, l’âme du film change et le vent souffle différemment dans
la vie de Letty.
La façon dont
Sjöström exprime cette progression du regard de Letty sur Lige – cet amour
naissant – est remarquable. Dans un premier temps jamais Letty ne regardait
Lige directement, si ce n’est pour lui répondre. Et puis, progressivement,
Letty commence à le regarder, par-dessus son épaule, et, quand elle est ramenée
chez eux par un ami, elle le regarde partir au loin.
On notera que la
fin est imposée par les producteurs, alors que Sjöström avait prévu une fin avec
Letty errant, folle, dans le désert…
C’est ainsi que,
en 1928, alors que le cinéma parlant commençait à tout emporter sur son
passage, le cinéma muet, bien loin d’être en déclin, produisait des
chefs-d’œuvre immenses.
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