Le film de
Bertrand Tavernier, au-delà d’embrasser une partie méconnue de la première
guerre (les combats qui se poursuivirent, dans l’Est, jusqu’en 1919), frappe
par le portrait qu’il dresse de son personnage principal, le capitaine Conan
(excellent Philippe Torreton). Guerrier terrible, façonné par et pour la
guerre, efficace et assoiffé d’action, révolté contre les pantouflards, il
rejoint ces personnages de cinéma qui, eux aussi, ne vivent qu’au travers de la
guerre. On pense au sergent Montana de Cote 465, au sergent Croft dans Les Nus et les morts (tous les deux joués par Aldo Ray) ou au sergent Hartman (R. Lee
Ermey) dans Full Metal Jacket :
ils ne vivent qu’au travers de la guerre, comme des bêtes féroces « praying for a war » comme le
dit Hartman, exaltés et violents, mais terriblement efficaces et, sans doute –
et c’est là le cœur de la réflexion – indispensables pour gagner une guerre. Beaucoup
ont fait la guerre mais nous l’avons gagnée, explique Conan à Norbert,
entendant par là qu’il faut des nettoyeurs de tranchées, sans foi ni loi, pour vaincre.
On retrouve la réflexion qui traverse Cote
465 (« Que Dieu nous
protège si, pour gagner cette guerre, il faut des gars comme vous »).
Capitaine Conan s’écarte donc des tendances
pacifistes ambiantes pour aller voir d’un peu plus près la réalité de la guerre,
avec ses atrocités et ses folies. Et Tavernier complète le tableau de ce type
de personnage : foncièrement inadapté à la vie civile, inutile, Conan dépérit
et meurt à petit feu maintenant que la paix est revenue (« comme un tank rouillé abandonné au fond d’un jardin »
dit de lui, très justement, Philippe Torreton). Et quand Norbert lui dit que la
guerre est finie, que les choses ont changé et qu’il faut s’adapter, Conan
rétorque : « demande donc à un
cleps de s’adapter à la salade, tu vas voir… ». La guerre finie, ce
personnage violent, jusqu’au-boutiste et, malheureusement, sans doute
indispensable, n’a plus de raison d’être.
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