Magnifique film
de Mizoguchi, extrêmement abouti formellement, d’une composition précise et fine
où, dans chaque plan, chaque mouvement de caméra, chaque résonance entre les
acteurs, la musique et le décor est parfaite. L’ambiance nocturne et calme
accentue cette inventivité de mouvements de caméra, avec beaucoup de mouvements
savants mais toujours fluides et dont les mouvements s’imposent comme des
évidences. Cette façon de filmer en plans très longs avec une caméra qui
dévoile progressivement un personnage, un élément du décor, une profondeur de
champ supplémentaire est fascinante.
Filmant le lent
spectacle du théâtre traditionnel japonais, Mizoguchi adopte une même lenteur
calme et une même perfection dans la construction rigoureuse de ses
plans : son cinéma répond ici à ce qu’il met en scène.
Ici Mizoguchi
montre le sacrifice d’une femme – Otoku – pour que son amant puisse se
développer en tant qu’acteur. Si la femme sacrifiée est un thème central dans
bon nombre de films de Mizoguchi, le sacrifice ici n’est pas tant social qu’au
nom de l’amour et, même, à travers Kikunosuke qui cherche à devenir acteur, de
l’amour de l’art. Puisque le spectateur comprend, en même temps qu’Otoku, que la
réussite en tant qu’acteur de Kikunosuke signifiera pour elle de le perdre.
Mizoguchi livre
donc un film qui dépasse la simple relation amoureuse – fut-elle belle et
intense – pour présenter un regard sur l’art (regard qu’il complétera
après-guerre avec Cinq femmes autour d’Utamaro par exemple, ou L'Amour de l’actrice Sumako).
On pourrait
citer mille plans à la construction et à la tonalité parfaite, mais le
magnifique travelling, en légère contre-plongée, qui suit Kikunosuke et Otoku dans
leur premier long dialogue (d’où naîtra leur amour) est inoubliable. Il reste
un exemple sublime de cette caméra calme, douce, précise, qui suit parfaitement
les deux amants, dans cette balade nocturne. Comme quoi un film peut être à la
fois nocturne et lumineux.
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