Très beau film
de Mizoguchi, dont la perfection formelle frappe encore. Chaque plan est une
peinture précise, fine et composée. Leur composition touche la nature
même de ce que dit Mizoguchi qui filme les femmes différemment des hommes (ici
avec douceur et volupté, là en découpant différemment) ou qui met en valeur
avec beaucoup de finesse Utamaro quand il peint. Utamaro est un double du réalisateur,
évoluant pour son art, dans un milieu de femmes.
Mizoguchi rend
ici un magnifique hommage à l’art, en passant par le dessin (art par lequel
Mizoguchi s’est d’abord exprimé), mais qui est bien entendu une réflexion sur
l’art en général et sur la passion dévorante pour l’art. Utamaro s’exprime au
travers du dessin, c’est avec ses portraits qu’il dit sa passion pour les
femmes qui l’inspirent. Mizoguchi relie donc infiniment l’inspiration de
l’artiste à sa passion.
Mizoguchi, comme
souvent, dresse de magnifiques portraits de femmes, qui doivent toujours lutter
pour s’émanciper, exister ou se libérer. Femmes dont la passion amoureuse va
jusqu’à la tragédie. Et, au milieu d’elles, l’esthète, artiste pur et inouï.
Le moment où
Utamaro est condamné à vivre les mains liées (ce qui l’empêche d’exercer son
art) permet de dénoncer la censure (censure qui a touché Mizoguchi, pendant la
guerre mais aussi après, du fait du contrôle du Japon par les Américains). Au
travers de cette censure, Mizoguchi montre aussi combien l’unique possibilité
de vivre, pour Utamaro comme pour lui, ne peut se faire qu’au travers de l’art.
La censure est plus qu’une simple réduction des thèmes que l’on peut aborder,
elle devient une véritable amputation : l’artiste ne peut plus saisir ni l’humeur du temps ni la passion de la vie.
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