Film sur le
tournage d’un film, La Nuit américaine
est avant tout une déclaration d’amour de François Truffaut pour le cinéma.
Réaliser un film n’apparaît pas tant comme l’entreprise d’un seul homme, comme
on pourrait s’y attendre de la part du grand inspirateur de la politique des
auteurs, mais comme un travail d’équipe, organisé, équilibré, avec mille et une
personnes qui, toutes, à leur niveau, participent de la création.
La création
n’apparaît donc pas comme l’activité d’un démiurge, ou l’idée folle d’un
visionnaire (comme a pu l’être Herzog par exemple) mais comme la réalisation,
organisée et faite pas à pas, d’un projet.
Et, dans ce
projet, tous ont un rôle : des techniciens aux producteurs en passant par les
acteurs, les régisseurs ou le réalisateur, concourent. Un film, nous dit
Truffaut, c’est un travail d’équipe, qui demande de trouver des équilibres, entre les personnes, entre les contraintes, entre les situations.
On retrouve
alors une idée fondamentale de Duchamp, quand il explique qu’il y a
toujours un gap entre l’intention du créateur et l’œuvre finale. Ici le film
obtenu résulte d’une quantité de petits arrangements, de compromissions, de
choix, de gestion pragmatique. La Nuit américaine nous plonge alors, avec délice et par l’exemple de mille anecdotes, au plus près de cet acte de création.
Il montre aussi,
ce faisant, la passion qui anime François Truffaut à réaliser des
films.
A voir le film
on sent la réalisation davantage comme un artisanat, complexe et brillant, que
comme un art. Cet aspect est très surprenant, puisque Truffaut est
l’un des premiers instigateurs de la politique des auteurs. Or il se livre ici
à une désacralisation puissante : son regard de réalisateur a
considérablement évolué depuis quelques années, à l'époque où il n’était que critique
et spectateur. Peut-être que son expérience à la réalisation lui montre combien
l’écart – l’écart duchampien – entre l’intention et l’œuvre finale est plus
grande que ce qu’il pensait.
Il n’en reste
pas moins, et le film en est une preuve manifeste, qu’un film peut avoir la
patte typique de son auteur, ce qui constitue un second message, moins direct
mais tout aussi évident de la part de Truffaut. Sa Nuit américaine est un
plaidoyer magnifique et un film réjouissant.
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