mercredi 2 janvier 2013

La Folle ingénue (Cluny Brown de E. Lubitsch, 1946)




Ayant alterné tout au long de sa carrière des comédies sur fond historique (le communisme dans Ninotchka ou le nazisme dans To Be or Not to Be), la comédie sophistiquée (Haute pègre, Sérénade à trois) et la comédie romantique (The Shop Around the Corner), Ernst Lubitsch conclut sa carrière avec cette comédie qui reprend toutes ces variations à la fois, mettant en scène un milieu aristocratique comme Lubitsch les aime tant, un écrivain qui fuit le nazisme et la légèreté d’un jeu de séduction charmant entre gens modestes.
Le duo au centre du récit est savoureux, avec Charles Boyer en écrivain pique-assiette et à l’esprit libre un peu farfelu qui fait face à Jennifer Jones, dans un registre surprenant, loin de ses rôles les plus célèbres (où elle joue – avec une sensualité brûlante, par exemple dans Duel au soleil ou Ruby Gentry). Ici elle incarne Cluny Brown ingénue (le titre français, une fois n’est pas coutume, dit bien les choses) et pétillante. Lubitsch joue avec ses deux personnages qui se tourneront autour avec plaisir, sur fond de carcan aristocratique dont Lubitsch se plait à gratter le vernis.
Le film alors ne s’en remet plus à la malice fine et précise de la « Lubitsh Touch », mais il s’appuie sur le jeu des deux personnages centraux (retrouvant un peu l’humeur de The Shop Around the Corner), sur lesquels Lubitsch pose un regard tendre, sur des dialogues savoureux, sur des situations que dégoupillent avec délice Cluny Brown ou Adam Velinski.



Lubitsch, pour ce qui est son dernier film, ravit donc une dernière fois, en sabordant l’aristocratie – sa cible favorite mais qu’il aime tant – et en faisant l’éloge de l’incongruité, de la liberté, de la légèreté qui doit s’immiscer dans les fissures du carcan social.

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