Ayant alterné tout
au long de sa carrière des comédies sur fond historique (le communisme dans Ninotchka ou le nazisme dans To Be or Not to Be), la comédie sophistiquée
(Haute pègre, Sérénade à trois) et la comédie romantique (The Shop Around the Corner), Ernst Lubitsch conclut sa carrière
avec cette comédie qui reprend toutes ces variations à la fois, mettant en
scène un milieu aristocratique comme Lubitsch les aime tant, un écrivain qui
fuit le nazisme et la légèreté d’un jeu de séduction charmant entre gens
modestes.
Le duo au centre
du récit est savoureux, avec Charles Boyer en écrivain pique-assiette et à l’esprit
libre un peu farfelu qui fait face à Jennifer Jones, dans un registre
surprenant, loin de ses rôles les plus célèbres (où elle joue – avec une
sensualité brûlante, par exemple dans Duel
au soleil ou Ruby Gentry). Ici
elle incarne Cluny Brown ingénue (le titre français, une fois n’est pas
coutume, dit bien les choses) et pétillante. Lubitsch joue avec ses deux
personnages qui se tourneront autour avec plaisir, sur fond de carcan aristocratique
dont Lubitsch se plait à gratter le vernis.
Le film alors ne
s’en remet plus à la malice fine et précise de la « Lubitsh Touch »,
mais il s’appuie sur le jeu des deux personnages centraux (retrouvant un peu l’humeur
de The Shop Around the Corner), sur
lesquels Lubitsch pose un regard tendre, sur des dialogues savoureux, sur des
situations que dégoupillent avec délice Cluny Brown ou Adam Velinski.
Lubitsch, pour
ce qui est son dernier film, ravit donc une dernière fois, en sabordant l’aristocratie
– sa cible favorite mais qu’il aime tant – et en faisant l’éloge de l’incongruité,
de la liberté, de la légèreté qui doit s’immiscer dans les fissures du carcan
social.
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