Avec Règlement de comptes, Fritz Lang continue sa croisade virulente à
l'encontre de la société américaine. C'est l'indistinction entre le Bien et le
Mal qui sont l'objet de sa réflexion. Il s'appuie sur une petite ville où la
corruption règne et où le chef de la mafia a des allures à la fois d'homme
d'affaire et de politicien. Et si le flic intègre Bannion (très bon Glenn Ford,
qui donne une grande densité à son personnage) est au départ l'exact opposé de
la brute inhumaine et violente qu'est Vince Stone (Lee Marvin, dans une
composition légendaire), le parcours de Bannion dans sa croisade
anti-corruption, avec le terrible assassinat de sa femme, va le conduire à
s'approcher de plus en plus de la limite incertaine qui différencie le flic du
truand. Et, de plus en plus, Bannion devient monomaniaque, s'extrait de la
société, arc-bouté sur son objectif de détruire la pègre. Mais il n'est plus
question de faire respecter la loi, il n'est question que de vengeance.
La mise en scène parfaite de Fritz Lang équilibre ce qui est montré et
ce qui est laissé hors-champ (splendide construction de la scène d'ouverture),
et la caméra sait suivre les personnages ou s'arrêter parfaitement (on ne voit
pas Debby être ébouillantée, son hurlement suffit) et Lang joue des gros plans
et des changements de focales, joue sur la profondeur de champ, construit son
cadre avec une maîtrise totale.
Règlement de compte vient donc s'insérer parfaitement dans la lignée
des films américains de Lang et il est l'une des grandes références de ces
films noirs qui joue parfaitement de l'indistinction entre Bien et Mal, qui
questionne cette frontière. On pense par exemple au Carrefour de la mort de H. Hathaway, articulé lui aussi sur
l'exploration de cette frontière mais du côté du truand, avec Nick Bianco qui
veut s'acheter une conduite mais qui reste contraint par son milieu (et, là
aussi, un tueur sadique qui rôde autour).
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