Admirable film
de Frank Borzage, difficilement parvenu jusqu’à nous et qu’il faut admirer avec une précaution émerveillée due à ce sauvetage partiel mais qui a sans doute
préservé l’essentiel.
Le film a longtemps été considéré comme perdu avant qu’une
copie, fragmentaire, soit retrouvée. Malgré quelques bobines manquantes le cœur
du film est bien présent : on y voit le couple (Charles Farrell et Mary
Duncan, admirables) mis au centre du film, comme jamais chez Borzage, isolé de
tout ce qui peut densifier habituellement la narration mais détourne en même
temps l’attention du spectateur.
Ici il n’y a qu’un
homme et une femme, seuls dans cette nature vierge et sauvage, comme un paradis
perdu et parcouru par un Adam et une Ève. La femme a trop vécu de rencontres,
elle est fatiguée de ces relations avec les hommes, désabusée. Le corbeau que
lui confie son mari violent est le symbole de ce passé noir qui la hante. Lui,
au contraire, arrive à peine à l’âge adulte, et se découvre petit à petit être
un homme (la relation de couple est inversée par rapport à ce que Borzage filmera
dans L’Isolé). Tout le film est dans
cette relation entre la femme qui a trop connu de relations mais qui va
redevenir sensible, peu à peu, à l’érotisme, à l’amour et l’homme, pur et innocent, et va découvrir cette passion dévorante qui l’attire vers l’autre.
Borzage va très loin dans cette attirance puisqu’il n'y met pas que de l’amour platonique
ou miraculeux, loin s’en faut, mais il exprime clairement l’érotisme, l’attirance
physique, la possession charnelle (l'Amérique du pré-code autorisant encore ce que le code Hays, bientôt, n'autorisera plus). Cette dimension charnelle prend une signification supplémentaire dans les paysages boisés et enneigés qui, à la fois, isolent le couple
et se font le réceptacle des pulsions de l'amour fou (avec la séquence sublime
où Allen John, repoussé par Rosalee, fou de douleur, se rue à demi-nu dans la
forêt et abat des arbres, pour exprimer sa rage passionnée).
On retrouve ici, dans ce qui nous reste à voir de La Femme au corbeau, ces fulgurances qui traversent toujours les plus grands films de Borzage, avec ce mélange d’émotion et de lyrisme inouï auquel bien peu de réalisateurs sont parvenus.
On retrouve ici, dans ce qui nous reste à voir de La Femme au corbeau, ces fulgurances qui traversent toujours les plus grands films de Borzage, avec ce mélange d’émotion et de lyrisme inouï auquel bien peu de réalisateurs sont parvenus.
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