lundi 11 mars 2013

Le Messager (The Go-Between de J. Losey, 1971)





Très beau drame de l’enfance, Le Messager est construit en un immense flash-back rapidement annoncé par une voix off et qui se boucle en toute fin de film. Du château fascinant de son ami où il passe un été et où il a tout à découvrir, Léo, du haut de ses treize ans, balloté par Mariam, est plongé dans un monde merveilleux et inconnu. Et derrière le décor chatoyant – dont Losey sait jouer entre l’effet qu’il a sur l’enfant et celui qu'il exerce sur le spectateur – le malaise s’insinue avec Mariam, fiancée, qui retrouve le métayer Ted, son amant. Et, bien plus que l’opposition des classes, c’est l’opposition d’avec le monde des adultes qui va s’ancrer dans la mémoire de Léo.


Losey travaille à la fois le regard de l’enfant sur le monde adulte – avec la belle Mariam dont il tombe amoureux – mais aussi sur le monde adulte qui ne prête guère attention à Léo. Y compris de la part de Mariam, qui a de l’affection pour lui mais a surtout besoin de lui comme porteur de messages secrets, entre elle et son amant. Terrible découverte, le jour de son anniversaire, fêté en grande pompe par ses aristocrates, avec le cadeau inouï d’une bicyclette, pour lui le garçon d’origine modeste. Mais il est le jouet de la mère de famille autant que celui des amants. Balloté de toute part, sacrifié, il ne peut qu’exploser : ce séjour à Norfolk, qui devait être un doux moment dans la diaprure verte d’un château, n’est qu’un cauchemar.


Et toute la finesse de Losey est de nous faire accéder à ce qui s’ancre irrémédiablement dans la tête du garçon. Losey ne donne finalement des amants étreints qu’une image de plaisir sexuel et donne de Ted, qui se suicide, une image fixe, où il est figé à demi-avachi sur son fusil. Puis vient le visage froid et fermé de Léo, 60 ans plus tard. Et l’on comprend combien ces deux images sont tout ce qui le hante depuis 60 ans : elles résonnent avec la verdure chaude de la campagne, les escaliers du château, les tableaux, les parures et transforment le tout, depuis tant d’années, en une terrible et indélébile cicatrice dans sa mémoire.


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