Splendide film
de Akira Kurosawa, qui délivre une fresque historique épique et terriblement
tragique. Alors qu’il vient de réaliser le magistral Dersou Ouzala, film
intimiste et à la dimension de l’individu, il délivre coup sur coup deux fresques immenses – Kagemusha et Ran – , où des armées en mouvements s’entre-déchirent, où des bordées de flèches sont
tirées contre des châteaux assiégés, des oriflammes sont brandies et des
machinations ourdies. Et Kurosawa passe d’un style à l’autre avec une même
maîtrise.
Cette adaptation
du Roi Lear brille à la fois par son style épique, théâtral et la puissance de
certaines scènes flamboyantes et stylisées.
Autour du
vieillard Ichimonji qui pense préserver son royaume – jusqu’alors géré avec une
main de fer – en passant la main à ses fils, on assiste, tout au contraire, à
un déferlement de jalousie, de haine et de violence entre ces fils qui
s’entre-déchirent. Si Ichimonji devient progressivement fou, ce n’est pas
seulement de voir son royaume détruit dans une guerre fratricide, c’est aussi
parce que son royaume, construit et tenu par la violence, ne peut qu’engendrer de la violence. Cette terrible prise de conscience lui fait perdre la raison.
Le style
flamboyant de Kurosawa donne ici sa pleine mesure, avec des scènes de guerre
qui sont autant de tableaux, sublimement construits et colorés, tantôt mouvants
et ondulants dans la plaine, tantôt sanglants et déchirés par la violence.
On retrouve
néanmoins le regard qui était celui de Kurosawa dans Dersou Ouzala, à la
fois dans la maîtrise sereine de la mise en scène (qui contraste avec la
violence qui se déchaîne) et dans l’incapacité des personnages à prendre un
quelconque recul, à dépasser leur condition. Là où Dersou Ouzala entraînait le
capitaine dans les méandres poétiques de l’approche animiste, les personnages
sont ici diamétralement opposés, en étant ancrés dans un pragmatisme violent et
destructeur qui apparaît dès lors tout à fait vain.
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