Incroyable film
de John Frankenheimer, qui vient prendre place aux côtés de Un crime dans la tête et de Sept jours en mai, dans une série de films
complotistes ou paranoïaques.
Après un incroyable générique, Frankenheimer tire
à boulets rouges sur l’American way of life en filmant la vie moyenne d’Arthur
Hamilton comme un cauchemar. Son petit train-train de métro-boulot-dodo est
filmé de façon épouvantable, comme un supplice, avec un Frankenheimer qui s’en
donne à cœur joie avec des gros plans outrés sur le visage d’Hamilton suant à
grosses gouttes, soucieux et écrasé.
Le film, qui ne
dévoile que très progressivement ses cartes, passionne et on suit, perplexe, le
parcours d’Hamilton, à travers les carcasses de la boucherie, puis dans son
rêve distordu, puis dans cet étrange
bureau. La suite, à l’accent faustien, continue de distiller un malaise
d’autant plus grand que l’on perçoit tout ce qui se déroule au même niveau que
Hamilton, bringuebalé et pris dans un engrenage qui le dépasse.
Frankenheimer,
ensuite, continue de faire feu de tout bois : son idée de changer d’acteur
pour représenter le même personnage est géniale (même si elle est très risquée,
car l’identification des personnages à l’acteur qui les représente est très
forte). Mais il n’hésite pas et pousse son idée jusqu’au bout puisqu’à John
Randolph, acteur rond, sans grande saveur, il substitue rien moins que Rock
Hudson.
Le film est
alors comme plié en deux puisqu’une seconde vie s’offre à Hamilton qui change
de visage, de nom, de métier, de lieu de vie. C’est une vie de rêve qui lui est
offerte : il ressemble à Rock Hudson, est aisé, vit de sa passion (la
peinture), dans une maison au bord de la mer, avec un serviteur obséquieux. Et
Frankenheimer, impitoyablement, poursuit son pilonnage : cette seconde
vie, celle dont on rêve, celle que l’on s’imagine que l’on aurait pu faire, se
révèle, nous dit Frankenheimer, pire que l’autre.
Hamilton, plutôt
que banquier moyen voulait être peintre ? Il se révèle nul en peinture et n’arrive
à rien. L’ironie grinçante fait mouche et, très vite, la vie devient invivable.
La seule
séquence alors, de tout le film, qui est filmée de façon douce et touchante,
apaisée, est celle où Hamilton, sous ses nouveaux traits, vient rendre visite à
son ancienne femme. Las, il n’y a plus rien à sauver et la fin, notamment la dernière
séquence, scénaristiquement implacable, est glaçante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire