lundi 16 décembre 2013

L'Opération diabolique (Seconds de J. Frankenheimer, 1966)




Incroyable film de John Frankenheimer, qui vient prendre place aux côtés de Un crime dans la tête et de Sept jours en mai, dans une série de films complotistes ou paranoïaques.
Après un incroyable générique, Frankenheimer tire à boulets rouges sur l’American way of life en filmant la vie moyenne d’Arthur Hamilton comme un cauchemar. Son petit train-train de métro-boulot-dodo est filmé de façon épouvantable, comme un supplice, avec un Frankenheimer qui s’en donne à cœur joie avec des gros plans outrés sur le visage d’Hamilton suant à grosses gouttes, soucieux et écrasé.


Le film, qui ne dévoile que très progressivement ses cartes, passionne et on suit, perplexe, le parcours d’Hamilton, à travers les carcasses de la boucherie, puis dans son rêve  distordu, puis dans cet étrange bureau. La suite, à l’accent faustien, continue de distiller un malaise d’autant plus grand que l’on perçoit tout ce qui se déroule au même niveau que Hamilton, bringuebalé et pris dans un engrenage qui le dépasse.
Frankenheimer, ensuite, continue de faire feu de tout bois : son idée de changer d’acteur pour représenter le même personnage est géniale (même si elle est très risquée, car l’identification des personnages à l’acteur qui les représente est très forte). Mais il n’hésite pas et pousse son idée jusqu’au bout puisqu’à John Randolph, acteur rond, sans grande saveur, il substitue rien moins que Rock Hudson.


Le film est alors comme plié en deux puisqu’une seconde vie s’offre à Hamilton qui change de visage, de nom, de métier, de lieu de vie. C’est une vie de rêve qui lui est offerte : il ressemble à Rock Hudson, est aisé, vit de sa passion (la peinture), dans une maison au bord de la mer, avec un serviteur obséquieux. Et Frankenheimer, impitoyablement, poursuit son pilonnage : cette seconde vie, celle dont on rêve, celle que l’on s’imagine que l’on aurait pu faire, se révèle, nous dit Frankenheimer, pire que l’autre.
Hamilton, plutôt que banquier moyen voulait être peintre ? Il se révèle nul en peinture et n’arrive à rien. L’ironie grinçante fait mouche et, très vite, la vie devient invivable.
La seule séquence alors, de tout le film, qui est filmée de façon douce et touchante, apaisée, est celle où Hamilton, sous ses nouveaux traits, vient rendre visite à son ancienne femme. Las, il n’y a plus rien à sauver et la fin, notamment la dernière séquence, scénaristiquement implacable, est glaçante.


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