Très bon film d'Alfred Hitchcock qui réalise
chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre dans les années 50. Il réalise ici son propre
remake – l’original datant de 1934 – en déplaçant l’intrigue de la Suisse
à Marrakech, ce qui donne un exotisme savoureux à tout le début du film.
Hitchcock continue ici de travailler un de ses
motifs favoris, à savoir embarquer dans une situation extraordinaire des
personnages ordinaires. Ce faisant il aborde la question du héros
américain : le docteur McKenna et sa femme semblent bien falots en début
de film et ils ne deviendront véritablement héroïques qu’en fin de film (où ils
empêchent l’assassinat politique), après avoir traversé différentes
épreuves qui les feront passer de personnage principal à héro proprement dit. Hitchcock
s’appuie sur le motif habituel du malentendu et de la fausse culpabilité et
voilà le couple victime d’une méprise qui se trouve embarqué dans un imbroglio
complexe pour retrouver leur fils kidnappé.
Hitchcock maîtrise son film de bout en bout,
distillant son humour habituel et, à partir de la célèbre scène de l’assassinat
à Marrakech (avec Daniel Gélin grimé en marocain), il construit une intrigue
qui monte crescendo jusqu’au climax que constitue la célèbre scène du concert
au Royal Albert Hall.
Cette séquence exceptionnelle (12 minutes sans
paroles), constitue l’un des plus grands moments de cinéma de Hitchcock. Il
construit une scène sonore pure et cherche – à coups de plans fixes montés de
façon magistrale – à filmer le son. Le seul mouvement de caméra étant un
travelling sur la portée qui correspond à la musique jouée (jouée par
l’orchestre dirigé par Bernard Herrmann himself).
Hitchcock se permet même un joli trait d’humour en montrant la partition du
joueur de cymbale, ornée d’une seule note… Cette séquence répond aux séquences
fameuses de Fenêtre sur cour, où
James Steward, déjà, scrutait au téléobjectif les appartements d’en face dans
des séquences optiques pures. De la même façon que cette séquence optique a
trouvé son aboutissement dans des éclats de lumière (les flashs envoyés à la
figure de Raymond Burr), ici ce ne peut être qu’un son qui vienne interrompre
le déroulement de cette musique (celle de l’orchestre) qui doit à la fois
provoquer un autre son (la détonation) tout en le camouflant (grâce aux
cymbales) : c’est le cri de Doris Day quoi vient rompre cet enchaînement
de sons.
La séquence est aussi un très bel exemple de
suspense hitchcockien puisque le spectateur – qui en sait plus que les
protagonistes puisqu’il épouse, tour à tour, les points de vue du tueur et de
Jo – connaît précisément les tenants et aboutissants de la scène, ce qui
renforce sa tension.
Cette scène légendaire sera souvent évoquée,
jusqu’au récent blockbuster Mission Impossible : Rogue Nation de
McQuarrie qui reprend cette idée d’un tueur qui agit sous couvert de la musique.
Hitchcock s’appuie sur James Steward, toujours
parfait, et parvient à tirer parti au maximum de l’exigence des studios
d’intégrer Doris Day et son fameux tube Que sera, sera (seule
chanson de tous les films d’Hitchcock). Il utilise parfaitement la chanson
comme lien entre la mère et l’enfant, avec, en particulier, cette façon de
filmer le son qui se propage dans les couloirs de l’ambassade, en fin de film,
et le sifflement de l’enfant qui lui répond et manifeste sa présence. L’Homme qui en savait trop est ainsi un
des films d’Hitchcock où celui-ci joue le plus – et avec quelle maestria – avec
la musique diégétique.
Le film, avec sa chanson légendaire, ses
scènes mémorables (sur le marché à Marrakech ; lorsque James Steward
drogue Doris Day avant de lui apprendre le kidnapping de leur enfant et,
bien entendu, la séquence du concert) et la maîtrise totale d’Hitchcock, est un
exceptionnel moment de cinéma.
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