dimanche 20 avril 2014

Blow-Up (M. Antonioni, 1966)




Film fondamental de Michelangelo Antonioni, quand bien même ses recherches formelles restent bien opaques. Le film est assez loin de ses réalisations habituelles, puisqu’il joue ici avec les couleurs, et que, par rapport à ses œuvres italiennes qui montrent le vide, l’espace, l’incommunicabilité, les pertes de repère et de sens, Antonioni, dans Blow-Up, questionne davantage son art et la relation entre chacun et le monde qui l'entoure.

Antonioni aborde ici la multiplicité des regards à porter sur le monde, l’importance des changements de points de vue, les jeux de perception. Antonioni, tout en maîtrise, utilise parfaitement le média cinéma puisqu’il ne dit pas les choses mais il les montre en les faisant subir à son personnage (et au spectateur). Tout regard devient une interrogation, qu’il s’agisse d’un cadrage, d’une profondeur de champ, d’un mouvement ou non de caméra. Antonioni montre ainsi la distance entre le réel et la retranscription du réel au travers de l’image produite. Thomas, qui voit le monde au travers de son appareil photographique, ne voit pas ce qu’il voit, il croit comprendre mais ne comprend pas.



Le film joue avec trois regards (celui de Thomas, celui du spectateur et celui d’Antonioni) auquel on peut rajouter le regard de l’appareil photo de Thomas, qui voit différemment de Thomas (et celui-ci en prend conscience progressivement), puisqu’il voit objectivement les choses et de façon plus fine, sans que le cerveau ne trie et n’interprète.
Son appareil photo lui permet de voir – tel un œil plus performant – ce que lui n’a pas vu, mais son cerveau est incapable de traiter cette image : il a beau agrandir et scruter l'image, elle ne lui apporte aucune compréhension et il ne parvient pas à résoudre l’énigme. L’absence de sens, thème souvent présent chez Antonioni, rejaillit donc, d’autant plus pour le spectateur qui, lors d’une première vision du film, aura bien du mal à s’y retrouver. D’autres visions permettent de comprendre davantage le déroulement énigmatique du meurtre capté par les photos de Thomas, mais sans toutefois pouvoir tout comprendre. C’est ainsi que, si Antonioni questionne, il laisse beaucoup de réponses ouvertes.



On remarquera qu’Antonioni interroge uniquement l’image (en jouant sur la photographie) sans englober le son, pourtant indéfectible du rapport à la réalité (en particulier dans le contexte cinématographique), son sur lequel insisteront Coppola (avec Conversation secrète) ou De Palma (avec Blow Out) dans des questionnements similaires. Antonioni se limite curieusement à l’incomplétude du regard et à son impuissance.
Malgré ce questionnement fondamental pour l’artiste qui est sans cesse sur la corde raide entre le réel et l’imaginaire, le film reste formellement austère et aride, difficile à suivre, volontiers confus, disparate, lent et abstrait, dans une veine antonionienne typique.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire