Film somme de
Bergman, chatoyant, complexe et fascinant.
Fanny et Alexandre s’ouvre et se ferme sur une fête autour d’une multitude de personnages, avec, entre ces deux moments, des naissances, des décès, des désillusions, des espoirs,
de la magie, des fantômes et la mort qui rôde, marquant le temps qui passe.
Le réalisateur (qui
semble inviter le spectateur à la fête de Noël de la première partie du film)
remplit son film de tout ce qui l’a nourri et de tout ce qui a nourri son
cinéma. C’est ainsi que de nombreux personnages évoquent la propre famille de
Bergman (ainsi Carl, maniaco-dépressif, qui rappelle l’oncle du réalisateur), et,
de même, ces fêtes, ces liens complexes avec le théâtre ou encore le rigorisme
du pasteur : toutes ces évocations viennent des propres souvenirs du
réalisateur.
Bergman épaissit
de nombreux personnages qui en sont tous à un moment de leur vie, qui
correspondent à une manière de la mener. L’un avance sans une question, un
autre se désespère, un autre encore (la grand-mère) regarde avec la nostalgie
de l’âge cette famille qui se transforme sous ses yeux.
Mais, au-delà d'une biographie, Bergman dépose dans son film les sensations de l’enfance (on remarquera que, malgré le titre, c’est bien Alexandre qui est au centre du film, le personnage de Fanny n’étant guère travaillé). Le film montre en
effet combien l’enfance est écartelée entre des moments de chaleur et de
douceur et d’autres moments de dureté et de terreur.
Bergman commence
par immerger le spectateur dans un univers chatoyant et familial. C’est un hymne
au théâtre, qu’il s’agisse de celui de la famille Ekdahl ou de celui
d’Alexandre, théâtre rêvé de l’enfance, sur lequel s’ouvre le film. Et Bergman
recrée l’enfance, il en récrée des moments, des sensations fugaces, celles
d’une solitude dans la pénombre d’une chambre, celles du rêve face aux
marionnettes ou face à la lanterne magique, celles de la chaleur de la famille, celles
du cauchemar face aux fantômes qui rôdent ou face au monde glacé de l’évêque. Évêque qui n’aura de cesse de tenter de détruire la part
d’enfant d'Alexandre pour le confronter à une réalité violente et rude.
Ce monde de
l’enfance court jusqu’à la mort du père d’Alexandre, en pleine répétition de
Hamlet. Ensuite sa mère tourne le dos au monde du théâtre pour épouser la vie dure de l’évêque, monde glacial et sans concession. Mais le
monde de faux-semblants et de comédie du théâtre vaut tellement mieux que la réalité
froide et dure de Vergerus.
Dans cette lutte
entre le monde de l’innocence et celui des adultes, Vergerus sera détruit à la
fois par la volonté d’Alexandre et par le monde chatoyant de magie d’Izak
Jacobi et d’Ismaël, personnage étrange et ambigu, à la frontière entre les
mondes (à la frontière du réel et de l’imaginaire, de la bonté et du mal). Mais
il restera de Vergerus, comme du père d’Alexandre, un fantôme qui continuera de
le hanter, comme la marque indélébile de son impitoyable dureté.
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