Film éblouissant, où le génie de Max Ophüls éclate à chaque plan. La trame est celle du triangle amoureux,
traité ici sur le ton dramatique du mensonge et de la passion. Mensonge et
passion qui se cristallisent autour d’un bijou (une paire de boucles d’oreilles).
Dans ce film plus encore que dans d’autres de ses chefs-d’œuvre (on pense à Lettre d’une inconnue), le style d’Ophüls se marie avec les idées qu’il veut faire
passer : le mouvement incessant de sa caméra répond aux transformations des
personnages, au temps qui les change, à la naissance de la passion, à l’extinction
des relations (entre Madame de… et son mari).
L'interprétation est hors de pair. Danielle
Darieux campe une Madame de… d'abord transparente et frivole, affectée réellement
par rien, si ce n’est par de minuscules affaires de bijoux. C’est l’épisode des
boucles d’oreilles, pour lesquelles elle va prier la Vierge. Les boucles d’oreille,
si elles constituent d’abord le point central du film, laisseront place à l’intrigue
amoureuse mais serviront de témoins et de révélateurs : en effet leur
signification devient tout autre au fur et à mesure de l’histoire pour devenir
ce que Madame de… a de plus cher. Et ce n’est qu’à la fin qu’on retrouve Madame
de… en train de prier à nouveau la Vierge, lui offrir les bijoux même : c’est alors
une madone éplorée qui vient prier pour sa vie.
Charles Boyer, en mari trompé, conscient et
cynique, est admirable. Son ton à la fois sec et ironique joue à plein le
contraste avec sa petite femme perdue. Vittorio de Sica, en amant italien est
parfait. Et le triangle se joue dans un univers de miroirs, de transparence qui
reflète les faux-semblants de la société décadente (celle de l'Europe à la fin
du XIXème siècle), les faux-fuyants amoureux de Madame De... et de son mari.
Madame de...au Baron Fabrizio Donati : "Je ne vous aime pas, je ne vous aime pas..." |
Ophüls, par une succession de fondus enchaînés
montrant un ballet de valses qui n’en finit pas, illustre le couple qui se
forme au fur et à mesure. Sa caméra est sans cesse animée de mouvements souples
(il n'y a pas un seul plan fixe de tout le film), caméra qui explore, tourne,
contourne, monte et descend, dans des constructions typiques du réalisateur
mais ici portée à leur perfection. On tient là un film parfait, très beau, baroque,
touchant et cristallin.
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