jeudi 19 mai 2016

L'Ecole buissonnière (J.- P. Le Chanois, 1948)




Film agréable et sympathique mais un peu désuet aujourd'hui, surtout parce que sa dénonciation de l’enseignement n’est plus du tout d’actualité.
Dans le sud de la France, un nouvel instituteur arrive dans un petit village et ses méthodes pédagogiques révolutionnent l’école. Les élèves se réconcilient avec la classe mais les gens du village acceptent mal ces nouvelles méthodes d’enseignement et tentent de faire révoquer l’instituteur. Les excellents résultats des élèves en fin d'année lui donneront raison. L’histoire s’inspire de Célestin Freinet et de ses méthodes (liberté d'expression, imprimerie, etc.).
C’est un peu dommage que le film parte d’une vision ancienne caricaturale pour aboutir à une situation tout autant caricaturale (les élus allant se plaindre au conseil municipal que l’instituteur leur a pris leurs enfants car ceux-ci veulent sans cesse aller à l’école !), parce que le ton du film est très bien (décontracté, comme une chronique d’un village isolé) et Bernard Blier est parfait en instituteur pionnier, avec sa bonhommie, sa franchise et, l’air de rien, ses convictions.

Il est amusant de voir que la situation s'est totalement inversée aujourd’hui : les pédagogies prônées dans le film sont devenues le mantra officiel. Il n’est plus question d’exigence, de difficultés, de contraintes, mais il faut proposer uniquement des activités qui parlent aux élèves, il faut faire allégeance à leurs goûts, qu’importe qu’ils ne progressent guère, le tout étant qu’ils s’éveillent, qu’ils se dé-recroquevillent. On est donc passé d’un extrême (qu’il ne faut pas regretter) à un autre. On pourrait faire le même film en montrant, aujourd’hui, un instituteur exigeant, qui tient sa classe et qui fait apprendre. Il serait complètement rejeté et bien vite un inspecteur viendrait voir cette horreur pédagogique.
Là où le film prend position c’est non seulement dans son soutien aux bonnes intentions du nouvel instituteur, mais aussi dans son dénouement : tous les élèves de la classe qui sont en âge passent leur certificat d’étude et tous le décrochent. On touche du doigt la petite tromperie du film et la limite de ces méthodes qui sont aujourd’hui l’âme de la pédagogie moderne : dans la réalité, le niveau des élèves progresse bien peu avec ces méthodes d’enseignement.

La faillite de cette pédagogie est touchée du doigt (pour qui sait se rendre compte) par exemple dans Entre les murs de L. Cantet, où on peut mesurer non pas tant la différence entre les élèves d’avant et ceux d’aujourd’hui (différences beaucoup plus faibles qu’on veut le dire : il n’y a pas tellement pire qu’Albert qui refuse d’aller en cours, détruit les constructions des autres élèves, crache son noyau de pêche dans la classe, etc.) mais surtout la différence entre les enseignants. Dans leur manière d’être on voit que le principe de la transmission est abolie, qu’il ne s’agit pas d’apporter aux élèves quelque chose qui leur est inconnu mais simplement de les inviter à s'exprimer et à s’épanouir.


Le Cercle des poètes disparus reprend cette même idée, c’est-à-dire importer dans un environnement traditionnel et rigoriste un enseignant décalé, qui écoute ses élèves, qui veut les épanouir avant tout. Et là aussi les élèves soutiennent leur professeur quand l’institution le renvoie (même si la dimension tragique du Cercle des poètes est tout à fait absente de L’Ecole buissonnière).

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