Le montage est
une étape décisive dans la création d'un film, c'est en fait la dernière
écriture, celle qui permet de passer de la discontinuité du tournage à
la continuité du film. En outre, c'est au moment du montage que le sens et
l’émotion naissent.
Si certains
cinéastes ont cherché à ne pas lui donner une grande importance (en cherchant
par exemple à minimiser le nombre de prises de vue, comme Ford ou Capra),
d'autres, en revanche, pouvaient rester plusieurs années à réaliser le montage de leurs films, longtemps après que les prises de vue aient été achevées (c'est le cas de Kubrick ou de Tarkovski).
On mesure la
différence de conceptions des réalisateurs, entre John Ford qui disait aux
monteurs « Ne travaillez surtout pas vous abîmeriez mon oeuvre
! » et Orson Welles qui expliquait que « le seul endroit où
j'exerce un pouvoir absolu est la salle de montage ».
On distingue principalement
3 grands types de montage, qui ont à la fois des formes et des objectifs différents : le montage narratif, le montage discursif
et le montage de correspondances.
1. Le montage narratif
Historiquement l’idée de montage apparaît quelques années après les débuts du cinéma, quand, au-delà de la simple collure entre des plans successifs, l’objectif de raconter une histoire se met en place. On passe ainsi, comme le dit V. Amiel (dans Esthétique du montage), d’une esthétique de l’attraction à une esthétique de la narration. Le but du montage, alors, est d’établir des liens narratifs.
Historiquement l’idée de montage apparaît quelques années après les débuts du cinéma, quand, au-delà de la simple collure entre des plans successifs, l’objectif de raconter une histoire se met en place. On passe ainsi, comme le dit V. Amiel (dans Esthétique du montage), d’une esthétique de l’attraction à une esthétique de la narration. Le but du montage, alors, est d’établir des liens narratifs.
On doit à
Griffith les premières grandes tentatives de narration par le montage. Il filme
une personne qui sort du champ par une porte à droite et qui entre, au plan
suivant, par une porte située à gauche. C’est ainsi que les plans, petit à
petit, se relient les uns aux autres et qu’une continuité se crée dans l’esprit
du spectateur. Un peu comme pour une BD, où, d’une case à l’autre,
l’imagination raccorde entre eux les mouvements des personnages. On le voit dans cet exemple, avec quatre cases qui se suivent, tirées des Sept boules de cristal, reliées entre elles par des raccords mouvements :
Cette mécanique
n’est pas du tout automatique et, si elle le semble aujourd’hui, c’est qu’elle
vient d’une grande habitude.
Et de là toute
une grammaire se met en place pour relier entre eux des plans différents (ce
sont les raccords) ou pour articuler entre elles des séquences différentes (ce sont les ponctuations).
Très vite les
principaux raccords sont mis au point : raccord mouvement, raccord regard,
champ/contre-champ, différents overlapping
(continuité sonore d’un plan à l’autre), etc. Et la narration peut
s’enhardir : arrivent des montages parallèles (Griffith en fait de
célèbres dans Intolérance), des
montages alternés, etc. Et, de même, les principales ponctuations se mettent en place : fondus au noir, fondus enchaînés, fermeture à l'iris, volets, etc.
On en arrive à
une volonté de rendre l’histoire la plus lisible possible et, donc, à rendre
les coupures entre les plans les moins visibles possibles. On parle alors de montage transparent pour désigner
tous les films dans lesquels le montage se fait le plus discret possible. De
l’âge classique d’Hollywood à l’ère actuelle des blockbusters, une immense
majorité des films procède de ces montages, très appliqués et professionnels, destinés à raconter une histoire de façon lisible.
Bien entendu ce type de
montage n’empêche pas des jeux narratifs parfois complexes (par exemple les flash-backs, qui
procèdent d’une articulation originale des séquences entre elles, et non des
plans entre eux).
2. Le montage discursif
Mais, en même temps que ce montage narratif « discret » se met en place, les expérimentations ne cessent pas. Dès les années 20, le cinéma soviétique explore les possibilités infinies du montage. Eisenstein, notamment, théorise à tout va : il distingue de nombreux montages différents, bien loin des habitudes hollywoodiennes. Son but n’est pas de raconter « discrètement » mais, bien au contraire, de mettre en évidence les antagonismes du monde (c’est pour cela que, reprenant la sémantique marxiste, on a pu parler à son sujet de « montage dialectique ») en exposant les conflits (la célèbre séquence de l’escalier d’Odessa dans Le Cuirassé Potemkine en est un exemple frappant). De même Vertov (par exemple dans L’Homme à la caméra) rassemble des fragments et organise des significations qui ne vont pas de soi : c’est la façon d’agencer les fragments qui devient un discours sur le monde. On a donc ici une esthétique du fragment.
Mais, en même temps que ce montage narratif « discret » se met en place, les expérimentations ne cessent pas. Dès les années 20, le cinéma soviétique explore les possibilités infinies du montage. Eisenstein, notamment, théorise à tout va : il distingue de nombreux montages différents, bien loin des habitudes hollywoodiennes. Son but n’est pas de raconter « discrètement » mais, bien au contraire, de mettre en évidence les antagonismes du monde (c’est pour cela que, reprenant la sémantique marxiste, on a pu parler à son sujet de « montage dialectique ») en exposant les conflits (la célèbre séquence de l’escalier d’Odessa dans Le Cuirassé Potemkine en est un exemple frappant). De même Vertov (par exemple dans L’Homme à la caméra) rassemble des fragments et organise des significations qui ne vont pas de soi : c’est la façon d’agencer les fragments qui devient un discours sur le monde. On a donc ici une esthétique du fragment.
Le gros plan est
bien entendu un élément typique de cette esthétique. Gros plan qui isole un
fragment du flux – suspendant le temps pour un instant – comme Eisenstein le
conçoit, ou gros plan qui tend le ressort dramatique comme chez Hitchcock.
On comprend bien
que, dans cette optique, la position relative des plans les uns par rapport aux
autres crée le discours. C’est ce qu’exprime R. Bresson quand il dit qu’« il faut qu’une image se transforme au
contact d’autres images, comme une couleur au contact d’autres couleurs.
Un bleu n’est pas le même bleu à côté d’un vert, d’un jaune, d’un rouge ».
Chaque plan
devenant un fragment d’un discours, l’image n’est plus seulement une imitation
de la réalité, elle devient une désignation. Ces images sont alors utilisées comme des figures de rhétorique. Les images deviennent des métaphores ou encore des synecdoques.
Dans Potemkine, le médecin jeté
par-dessus bord est désigné uniquement par ses lorgnons, qui restent accrochés au
bastingage. Ces mêmes lorgnons symbolisant la traîtrise du médecin qui avait
examiné la viande avariée et l’avait déclaré bonne à être consommée.
Si, on le voit, l'acte discursif peut correspondre à la mise en place d'une nouvelle esthétique, il peut aussi s'appuyer sur les habitudes du montage transparent pour mieux rompre avec lui. C'est ce que fait beaucoup Godard, en cherchant à créer des ruptures narratives : il multiplie les faux-raccords, les heurts entre la bande visuelle et sonore, les cuts abrupts, etc.
On remarquera
que le montage discursif a pris toute son ampleur dans le cinéma militant, plus encore dans le cinéma de propagande et, bien davantage encore, dans la
publicité : il s’agit bien, ici, à divers degrés, de convaincre, de
persuader, de donner une certaine version du monde.
3. Le montage de correspondances
Dans les années
20 les soviétiques développent leurs théories du montage, et, en France une
véritable avant-garde expérimente : avec Abel Gance et son montage
accéléré (dans La Roue) ou son
montage de surfaces (dans son Napoléon, où certaines images sont constituées de multiples superpositions) ou encore le montage sensible
des impressionnistes (chez L’Herbier, Epstein ou encore Vigo). On est loin ici
d’une simple narration ou d’une volonté de discours : si le montage façonne
une nouvelle manière de voir, il donne aux images un relief beaucoup plus
poétique.
En effet les
échos entre plans sont davantage du ressort d’une musique visuelle, qui évoque des
rimes. Qu’on pense aux multiples miroirs et brillances de Madame de… ou à cette façon unique et mystérieuse qu’à Ozu de
sculpter le temps (Deleuze parlant à son propos des « natures mortes »
qui émaillent ses films) ou encore aux motifs qui traversent les films de
Tarkovski. C’est ce que signifient les correspondances : ce sont les échos
formels mis en valeur par le montage. V. Amiel l’explique très bien : « il ne s’agit ni de l’agencement
décoratif d’éléments esthétiques, ni d’indices nécessaires à la conduite du
récit. Ce sont des fragments de temps et d’action qui, tirant leur valeur et
leur poids du rapport entretenu avec d’autres, permettent au film de dépasser
la somme de ses contenus. […] Bref, le montage des correspondances, parce qu’il
permet d’envisager d’autres liens que ceux de la succession ou de la
consécution, et parce qu’il desserre les mécanismes intellectuels pour laisser
la sensibilité occuper les intervalles, offre aux spectateurs une autre
dimension de la représentation. Une véritable poétique, élaborée dans la
matière même du film : son flux temporel ».
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