Film remarquable, envoûtant et très
sombre, où Marcel Carné, depuis ses studios, parvient à emporter le spectateur bien
loin de son fauteuil, dans ces brumes incessantes du Havre, mélangeant
parfaitement le réalisme social (le soldat déserteur, le monde populaire, la
pauvreté, le bar de Panama) et la poésie (la relation construite pas à pas
entre Jean et Nelly est très belle, de même les personnages qui se croisent chez Panama).
Les acteurs sont fabuleux. Gabin est
fascinant : il parvient, en un éclat brisé de son regard, à renvoyer à son
passé insondable de militaire, au malheur, à sa vie finie. Michèle Morgan – dix-sept ans
– promène son regard cristallin, qui reste lumineux malgré tout ce qu’elle a
subi ; Michel Simon compose un Zabel épouvantable et visqueux et Pierre
Brasseur un avorton lâche et détestable.
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