Très intéressant article de René Prédal
(Le cinéma français et les genres, in
CinémAction N° 68, 1993) qui explique pourquoi le cinéma français a
toujours été rétif au cinéma de genre (par opposition au cinéma américain), hormis
pour deux genres qu’il affectionne, le comique et le policier.
Pour le reste, Prédal est très clair :
« Si le cinéma français ne s’appuie nullement sur les
genres, c’est parce qu’il a de tout temps pris une autre direction que l’on
peut nommer « film psychologique » jusqu’aux années 50 puis « cinéma
d’auteur » à partir de la Nouvelle Vague. De fait, les deux courants sont plus
successifs que parallèles et certainement pas antagonistes. Tant qu’il n’est pas
de mode pour l’auteur de s’exprimer ouvertement, l’accent est mis sur les
personnages (les films de Carné-Prévert). Lorsque la Nouvelle Vague ambitionne
d’écrire un film comme un roman, on retient davantage le regard porté sur les
protagonistes (les films de Truffaut) mais les situations, les intrigues, les
lieux mis en scène restent à peu près les mêmes. Dialogues et comédiens
constituent toujours les éléments fondamentaux de ce type d’œuvre qui incarne
le « film français typique » aussi bien à l’intérieur de l’hexagone que
dans les festivals étrangers.
On pourrait considérer ce genre national comme l’archétype
du « genre cinématographique » parce qu’il présente des caractères propres
très marqués (intimisme, accent mis sur la parole et l’analyse des sentiments…),
mais il nous semble plutôt constituer au contraire sa négation dans la mesure
où il est inversement susceptible de toutes les adaptations, annexions, trahisons
ou transformations possibles et imaginables. Héritier d’une authentique
tradition culturelle nationale venue du théâtre et du roman, support idéal des
petits budgets bien adaptés aux possibilités françaises de financement et tout
proche du téléfilm à huis clos qu’il deviendra forcément au bout de quelques
mois, le film psychologique flirte en effet avec tous les genres sans tomber
vraiment dans aucun. […]
L’auteur français ne s’exprime en toute liberté qu’à travers
le film psychologique. C’est là qu’il est à l’aise, qu’il obtient spontanément la
confiance des décideurs comme de la critique et du public.
[…]
Nous voulions de toute manière faire seulement une
constatation : le cinéma français ignore dans sa majeure partie la loi des
genres parce que ce type de cinéma ne correspond ni à son passé culturel (le
musical aux États-Unis est un spectacle de scène très populaire avant d’être un
genre cinématographique : ce n’est pas le cas chez nous. Quant au « cinéma
américain par excellence », à savoir le western, il ne correspond
évidemment à rien dans l’hexagone !), ni à ses possibilités financières (le
genre est spectaculaire : décors, figuration, costumes), ni à sa tournure
d’esprit française (le pays de Descartes et Molière). »
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