Bon film de Quentin
Tarantino, efficace et plaisant, sans doute sa plus belle réussite à ce jour.
Tarantino parvient à faire éclater au grand jour à la fois ses évidentes
qualités mais aussi ses défauts, tout aussi évidents.
D’emblée
Tarantino joue avec une scène très violente mais énigmatique, suivie d’un
générique très mélancolique, et qui installe parfaitement le film dans le cadre
habituel de la vengeance. La recherche de Bill, tout au long du film, avec un
Bill que l’on ne fera qu’entrevoir, est habile et crée une attente que le second opus, il faut
bien dire, aura bien du mal à tenir.
Le film propose
un script réduit à l’épaisseur d’un papier à cigarette (l’ancienne tueuse black
Mamba, laissée mourante par ses anciens comparses, décide de régler ses
comptes), mais il offre une liberté totale à Tarantino qui n’est pas enquiquiné
par des finesses scénaristiques ou des éléments complexes à exprimer : il
s’amuse, varie, innove (amusante séquence de manga), exagère, zoome, ralentit,
passe au noir et blanc, etc. Son style très démonstratif est évidemment très
inspiré de celui de Sergio Leone, il en est un prolongement (un maniérisme au
sens strict, c’est-à-dire « à la manière de »), puisque ces images
qui insistent ou ralentissent jusqu’à sortir du temps diégétique (bien au-delà
de simples ralentissements) sont typiques du réalisateur italien.
Le passage au
manga est très bien vu, à la fois original et bien amené et il montre
parfaitement les liens qui existent entre le cinéma de Tarantino (de par ses
goûts autant que par son style) et les mangas japonais.
On retrouve bien
entendu le goût prononcé de Tarantino pour les gerbes d’hémoglobine et les
découpages gaillards de bras et de jambes (tout cela doit beaucoup l’amuser) de
même que celui pour les situations sans grand intérêt ou des détails scabreux
sur lesquels Tarantino insiste et qui reflètent les goûts du réalisateurs (et
c’est bien normal, comme il est bien normal que tout le monde ne partage pas
ses goûts). On a donc droit par exemple à Black Mamba dans le coma à la merci
de l’appétit sexuel de tristes individus.
On retrouve aussi de multiples références, inspirations ou hommages, de La Femme scorpion de S. Ito à La Rage du tigre de C. Chang en passant par les films de Bruce Lee ou telle ou telle série télévisée dont le sieur Tarantino est grand fan.
On retrouve aussi de multiples références, inspirations ou hommages, de La Femme scorpion de S. Ito à La Rage du tigre de C. Chang en passant par les films de Bruce Lee ou telle ou telle série télévisée dont le sieur Tarantino est grand fan.
Le film souffre
cependant de longs ralentissements et de ruptures de rythmes, avec des
chapitres (pêché mignon de Tarantino) plus ou moins intenses et parfois
encombrés de beaucoup trop de dialogues (autre pêché mignon de Tarantino qui
bénéficie à ce sujet d’une indulgence étonnante : Tarantino, qui n’a rien
à dire, fait beaucoup parler ses personnages, mais sans que cela ait le moindre
intérêt). La réussite de Kill Bill
tient sans doute à ce que ces ralentissements nuisent moins ici que dans
d’autres films du réalisateur (ce défaut transparaît davantage dans le second
opus de Kill Bill ou dans Pulp Fiction). Et il ressort de ce film
pourtant très violent une impression de lenteur un peu mélancolique, du fait
d’un rythme maîtrisé, de l’énorme distance narrative que Tarantino prend avec
son sujet et d’une très bonne bande originale.
Cela dit, bien
évidemment – et on touche du doigt les limites de Tarantino –, tout cela n’a
pas grande signification. L’évidente qualité formelle de Kill Bill, qui n’a d’autre but que de s’exprimer pour elle-même,
résume sans doute parfaitement Tarantino : il n’a rien à dire, mais il le
dit très bien.
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