Important
western de Delmer Daves, La Flèche brisée
est l’un des premiers westerns à changer de point de vue vis-à-vis des Indiens, en les considérant non pas comme de simples éléments agressifs de la Nature, mais
en s’intéressant à eux, en évoquant leurs manières d’être et de penser et en proposant, même, une possibilité de liens d’amour entre Blanc et Indien.
Soyons
précis : il y a eu de nombreux films abordant la vie des Indiens – les Indian pictures –, mais c’était aux
premiers temps du cinéma, avant même que le genre western ne se soit réellement
dégagé et avant que le public ne devienne friand de désert et de guerres indiennes.
Mais,
faisant suite aux westerns classiques, La
Flèche brisée, avec La Porte du Diable d’Anthony Mann notamment, est l’un des premiers à sortir des codes
du genre, codes alors bien installés. Il annonce par là même les westerns
révisionnistes, qui passeront par Les Cheyennes de J. Ford pour aboutir à Little Big Man d’A. Penn.
S’appuyant
sur des faits historiques (Tom Jeffords fut effectivement un interlocuteur
privilégié de Cochise et contribua à mettre fin aux guerres indiennes), Daves filme
avec une sobriété et un classicisme de bon aloi. Conscient de ses prises de position non conventionnelles, il propose quelques jeux de mises en scène qui prennent à revers les habitudes du genre. C'est le cas lors de l'embuscade finale, où, à l'opposé de ce qui se fait habituellement (les Indiens dominants et embusqués) ce sont les Apaches qui sont en contre-plongée et les Blancs qui font corps avec la Nature pour se camoufler parmi les rochers.
Il
s’intéresse avec sincérité aux coutumes indiennes et nous les fait partager
(notamment les interdits et obligations lorsque Jeffords courtise la fille de
Cochise). Mais on regrette peut-être que, voulant charger son film de signification,
il recoure trop aux archétypes ou aux symboles. Par exemple le colonel Berall –
qui veut exterminer les Apaches – devient l’archétype du Blanc haineux,
Sonseeahray – qui meurt à la fin – symbolise, elle, l’absurdité de ces guerres,
etc. Le courrier même, dont le transport est le premier enjeu de la paix, n’est
qu’un symbole, il n’a aucune importance en lui-même (on ne saura jamais le contenu
de ces lettres transportées si courageusement). Et c’est le cas bien sûr de la
flèche brisée elle-même, symbole de la fin de la guerre, et que Dave filme avec
force. Ce recours incessant aux archétypes et aux symboles rend le film un peu
monobloc et lui enlève une certaine finesse. Mais sentant sans doute l’originalité
risquée de son propos, Daves le veut simple et clair, d’où cette lourdeur démonstrative.
Très
intelligemment, Daves fait progresser son propos : il montre d’abord le
territoire des Indiens (duquel les Blancs sont chassés et tués) et celui des Blancs
(duquel les Indiens sont exclus) comme irrémédiablement séparés. Jeffords
passe de l’un à l’autre sans que l’on puisse les raccorder (c’est un écran noir
qui marque la coupure). Ensuite Daves montre le long trajet de Jeffords qui va
d’un territoire à l’autre. Enfin, on voit les Blancs et les Indiens se croiser
dans les montagnes. Ce partage progressif des territoires marque le
rapprochement progressif des peuples, tel qu’exprimé par Daves.
On
soulignera cependant que le propos final de Daves (la vie en harmonie et sur le
même territoire des Blancs et des Indiens) ne se réalisera jamais. En effet les
Indiens finiront rapidement parqués dans une réserve et les Blancs pourront s’approprier
leurs terres et les « civiliser » comme bon leur semble.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire