Très bon film de
Douglas Sirk, La Ronde de l’aube est
un mélodrame sombre et tragique qui
tranche avec beaucoup d’autres films du réalisateur. En effet, bien qu’il
reprenne trois des acteurs qui formaient le quatuor d’Écrit sur du vent, réalisé deux ans plus tôt (Rock Hudson, Jack
Stark et Dorothy Malone), le film ne distille pas du tout la même atmosphère.
Bien loin du baroque haut en couleur, le noir et blanc est âpre et le ton très
sombre et désespéré. On reconnaît parfaitement le ton de Faulkner (le film est
une adaptation d’un de ses romans), avec des personnages à la dérive, chacun
pris par des passions dévastatrices ou des démons dont ils ne s’extrairont pas.
C’est l’Amérique de la Grande Dépression, emplis d’êtres perdus, torturés et
désespérés (on pense aux Désaxés
de Huston).
Les acteurs sont remarquables, en particulier Jack Stark qui interprète
Roger, qui évolue dans un autre univers, sans rien voir autour de lui et qui
sacrifie sa vie à une passion folle qui le condamne. Et il n’est que la mort de
Roger – dans un sacrifice qui est un demi-suicide – qui puisse libérer Laverne. L’oraison
funèbre prononcée par Burke est exceptionnelle.
On remarquera
l’allusion nette de Sirk au paradis perdu, de même que dans nombre de ses films : ici Laverne lit Mon Ántonia
de Willa Carther, qui évoque les champs de son enfance. Cette évocation (semblable à celle de Twain ou Thoreau dans d'autres de ses films) dispense Sirk de montrer à l'image ce paradis de l'enfance (comme il le fait dans Écrit sur du vent). Et, ici, ce paradis perdu ne sera jamais retrouvé
(alors qu’il l’est, par exemple, à la fin de Tout ce que le ciel permet).
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