Très beau film
de Paul Newman, superstar de l’industrie hollywoodienne et qui réalise pourtant
des films humbles et touchants, dans la plus pure lignée du Nouvel Hollywood.
Il dresse ici le portrait d’une femme excentrique, constamment borderline et
qui rejoint d’autres portraits de femme de la même période (vus par exemple dans Une femme sous influence de John
Cassavetes ou Wanda de Barbara
Loden). On retrouvera dans Mommy de
Xavier Dolan un avatar récent de ce portrait. Newman offre à sa femme Joanne Woodward un rôle difficile (qu’elle tient bien même si elle surjoue un peu)
puisqu’il conduit à rendre son personnage presque antipathique.
Mais on comprend
tout le désarroi de cette femme, toujours à la limite de perdre pied et de
sombrer, qui se bat à sa façon, et pour laquelle le vent enflammé des années 60
n’a pas soufflé, qui a brûlé ses belles années dans les bras de pauvres types
et qui se retrouve maintenant coincée dans une vie misérable, dans sa maison
qui a tout du taudis, avec ses deux filles, sans capacité à avancer. On notera
la belle séquence sur la colline, qu’elle ne gravira qu’à moitié, reflet d’une
vie arrêtée et inachevée.
Certes le spectateur
a peu d’empathie pour Beatrice, mais c’est aussi parce que le film se centre
progressivement sur Mathilda. En effet, des deux filles de Beatrice, si Ruth
est un portrait en devenir de sa mère, Mathilda, en revanche, semble bien
différente. La métaphore avec les fameuses marguerites du titre, prend alors
corps : dans l’expérience que fait Mathilde pour son cours de sciences,
parmi ses marguerites irradiées par des rayons gamma, elle observe que
certaines ont des tiges tordues et restent des avortons, quand d’autres
deviennent merveilleuses et belles. Les rayons gamma correspondent à
l’influence de cette mère excentrique sur ses deux filles. Ruth, la fille
ainée, est déjà un portrait craché de sa mère (elle met sa perruque, l’imite en
cours). On sent déjà, avec ses flirts, son style, ses colères, qu’elle est le
versant raté de l’expérience, qu’elle reproduira la petite vie minable de sa
mère. Mathilda, au contraire, est épargnée : elle a cultivé une
différence, elle aspire à une autre vie. Elle s’intéresse aux étoiles, au
soleil : on comprend qu’elle s’échappera.
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