mardi 14 novembre 2017

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds de P. Newman, 1972)




Très beau film de Paul Newman, superstar de l’industrie hollywoodienne et qui réalise pourtant des films humbles et touchants, dans la plus pure lignée du Nouvel Hollywood. Il dresse ici le portrait d’une femme excentrique, constamment borderline et qui rejoint d’autres portraits de femme de la même période (vus par exemple dans Une femme sous influence de John Cassavetes ou Wanda de Barbara Loden). On retrouvera dans Mommy de Xavier Dolan un avatar récent de ce portrait. Newman offre à sa femme Joanne Woodward un rôle difficile (qu’elle tient bien même si elle surjoue un peu) puisqu’il conduit à rendre son personnage presque antipathique.
Mais on comprend tout le désarroi de cette femme, toujours à la limite de perdre pied et de sombrer, qui se bat à sa façon, et pour laquelle le vent enflammé des années 60 n’a pas soufflé, qui a brûlé ses belles années dans les bras de pauvres types et qui se retrouve maintenant coincée dans une vie misérable, dans sa maison qui a tout du taudis, avec ses deux filles, sans capacité à avancer. On notera la belle séquence sur la colline, qu’elle ne gravira qu’à moitié, reflet d’une vie arrêtée et inachevée.



Certes le spectateur a peu d’empathie pour Beatrice, mais c’est aussi parce que le film se centre progressivement sur Mathilda. En effet, des deux filles de Beatrice, si Ruth est un portrait en devenir de sa mère, Mathilda, en revanche, semble bien différente. La métaphore avec les fameuses marguerites du titre, prend alors corps : dans l’expérience que fait Mathilde pour son cours de sciences, parmi ses marguerites irradiées par des rayons gamma, elle observe que certaines ont des tiges tordues et restent des avortons, quand d’autres deviennent merveilleuses et belles. Les rayons gamma correspondent à l’influence de cette mère excentrique sur ses deux filles. Ruth, la fille ainée, est déjà un portrait craché de sa mère (elle met sa perruque, l’imite en cours). On sent déjà, avec ses flirts, son style, ses colères, qu’elle est le versant raté de l’expérience, qu’elle reproduira la petite vie minable de sa mère. Mathilda, au contraire, est épargnée : elle a cultivé une différence, elle aspire à une autre vie. Elle s’intéresse aux étoiles, au soleil : on comprend qu’elle s’échappera.




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