Exceptionnel film
de Frank Borzage (1) qui est l'un des premiers à rendre compte de l’histoire en marche
en Allemagne, en montrant la transformation subie par l’idéologie raciale
nazie.
Avec une
facilité éblouissante, Borzage fait épouser la destinée du pays avec celle d’une
famille, en montrant comment cette famille unie est brisée, comment la haine se
répand, entre les êtres, dans les rues, dans le pays entier. On retrouve ainsi une
foule d’images qui signent le passage d’un ordre du monde à un autre, avec la
transformation d’un pays uni en un pays fracturé et haineux (le vieux
professeur juif fêté, puis qui reste isolé dans sa salle : les étudiants
ne sont plus là, ils sont partis brûler les livres).
Borzage, avec
son incroyable lyrisme, parvient à nouer une tragédie déchirante qui se clôt sur le symbole du mal qui déferle sur l’Allemagne : la mort de Freya, dans les montagnes
blanches, où le sang noir vient tâcher la neige immaculée. Le mélodrame est un
genre si puissant, dans les mains de Borzage, qu’il en devient un instrument de
dénonciation politique et c’est l’humanité entière qui se joue dans ce couple
qui se bat, qui vibre, qui est déchiré. Nul discours ici, c’est par l’image qu’il
s’exprime, en rejetant hors champ ou dans l’ombre les jeunes fanatisés et en
gardant en pleine lumière Martin ou Freya.
Le film,
évidemment, sera immédiatement censuré en Allemagne (censure qui s’accompagnera
de celle de toutes les productions de la MGM puis bientôt de celle de toutes
les productions d’Hollywood quand sortira Le Dictateur). Le film ensuite, à la Libération, ne correspondait guère aux
attentes du public (on peut le comprendre) de sorte qu’il sombra peu à peu dans
l’oubli. La Tempête qui tue,
pourtant, est de ces chefs d’œuvre qui élèvent tant le cinéma qu’on pourrait
les croire inoubliables.
(1) : Borzage
intègre ainsi le cercle très fermé de ceux qui ont réalisé des grands chefs-d’œuvre
aussi bien muets que parlants. On peine, à vrai dire, à trouver d’autres
réalisateurs aussi à l’aise dans ces deux cinémas bien plus différents qu’il n’y
paraît. On pense à Dreyer, Lang ou encore à Chaplin (mais ce dernier, malgré son très
grand Dictateur, était bien plus à
l’aise dans le muet, sa réticence à se mettre au parlant le montre bien) mais
ils sont bien peu nombreux.
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