Excellent film
de Luis Buñuel, qui, sous des dehors classiques, dévoile progressivement un
monde absurde, pulsionnel, bouillonnant d’obsessions et de délires.
Tout l’art de Buñuel
est de partir d’une situation classique – présentée avec une rigueur tout aussi
classique – et de la faire basculer progressivement dans un absurde
grandissant. Les premières séquences, à ce titre, sont exemplaires, puisque ce
qui semble n’être qu’un banal dîner bourgeois glisse sans crier gare vers des
situations qui oscillent entre le cauchemar et le surréalisme.
Et Buñuel joue
avec une répétition de ces entraves qui, sans cesse, empêchent nos bourgeois de
prendre leur simple dîner. On dirait un disque rayé qui recommence : la
situation reprend sur de nouvelles bases – à nouveau conventionnelles – et elle
dévie de nouveau, dans une autre direction. On voit bien, au travers de cet enjeu
narratif futile (mais ô combien révélateur), combien Buñuel est facétieux et
absurde. Le vernis de la bienséance craque évidemment de toute part et les
enchaînements incongrus se succèdent, tout à fait typiques de l’auteur dans ces
films de sa dernière période française. Certaines séquences sont jubilatoires.
Malgré le titre
et malgré toute la fausseté de ces bourgeois qui sont des trafiquants de
drogue, le film ne tire pas tant sur la classe bourgeoise que sur la société dans
son entier, qui apparaît comme un vaste théâtre où se joue, sans cesse, un étrange
manège de conventions qui ne masque qu’à peine les obsessions diverses et
variées qui pulsent sous la surface des choses.
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