mardi 27 février 2018

L’Évangile selon saint Matthieu (Il Vangelo secondo Matteo de P. P. Pasolini, 1964)




Très beau film de Pasolini qui retrace la vie de Jésus en suivant assez précisément l’évangile citée en titre. Il s’appuie sur des acteurs non professionnels (en particulier le jeune Enrique Irazoqui dans le rôle du Christ), utilisant sa mère dans le rôle de la Vierge Marie âgée ainsi que d’autres parmi ses proches.
Pasolini donne ainsi à son film une teinte très néoréaliste, les paysages (ceux de l’Italie du Sud) secs et vides, les décors très simples, le dépouillement du film le rapprochant clairement de la période néoréaliste, focalisée sur la pauvreté de l’Italie au sortir de la guerre.



Cette esthétique très dépouillée convoque une esthétique issue de la peinture italienne de la Pré-Renaissance ou des débuts de la Renaissance : on pense à Giotto ou à Masaccio, avec des représentations discrètes, sobres, loin de tout éclat.

Joachim parmi les bergers
(Giotto, église de l'Arena, Padoue, 1303)

Le Paiement du tribu
(Masaccio, chapelle Brancacci, Florence, 1424)
La vie de Jésus et de ses disciples prend alors une dimension humaine, avec des réactions simples, enrobées d’une pudeur douce. Refusant tout traitement spectaculaire, Pasolini aborde en ellipse les principaux miracles et sait se faire parfois très discret comme lors du procès où Jésus fait face à Ponce Pilate : la scène est vue depuis la foule, au travers des yeux de Pierre et la caméra ne se rapprochera jamais. De même lorsque Pierre pleurera d’avoir renié le Christ, la caméra reculera et le laissera seul à sa souffrance.
A contrario de ces moments où il semble prendre du recul, Pasolini n’hésite pas à filmer gros plan sur gros plan, zoom sur zoom, décadrant le visage de Jésus, scrutant l’humanité des disciples, des auditeurs. Et, en écho à la sobriété du Christ, Pasolini met en avant sa parole : c’est nettement par le verbe que Jésus agit, prêchant continuellement. De même que c'est par le verbe qu'il réapparaît d'abord.


Le Jésus de Pasolini apparaît donc infiniment humain, ne le montrant guère comme « fils de Dieu ». Mais Pasolini élève très haut cette humanité, tellement haut qu’elle rejoint une transcendance, malgré tout. Comme si, pour le réalisateur italien, Jésus ne venait pas des cieux mais pouvait bien y parvenir malgré tout.

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