Film envoûtant
de Wong Kar-wai, qui peut se regarder comme un film unique ou bien comme une
conclusion au triptyque composé de Nos
années sauvages et In the Mood for Love, dont on retrouve, entremêlés, des personnages et des événements.
Le film est une
plongée dans les souvenirs de Chow Mo-wan, qui repense, comme elles lui
reviennent, aux femmes qu’il a rencontrées et aux occasions qu’il a laissé
s’échapper. Dans une recherche du temps perdu manifeste (il dira même « il y a quelques années, je tenais mon
happy-end et je l’ai laissé échapper »), il cherche à retrouver les
temps forts du passé et les moments de basculement. Il revoit les visages, les lieux (les
fameuses chambres 2046 puis 2047), les attentes, les joies et les tristesses.
Si l’idée d’un
train qui fonce en ligne droite semble d’abord être l’idée maîtresse de la
narration, le film est conçu comme un labyrinthe dans lequel Chow déambule,
avec, omniprésente, cette époustouflante maîtrise du cadre de Wong Kar-wai. Il
multiplie les cadres dans le cadre, puisqu’il ne cesse de découper le cadre, de
recentrer ses personnages, d’en masquer la moitié ou les trois-quarts derrière
une cloison ou une porte entrouverte. Il crée ainsi cette atmosphère de
déambulation, dans des souvenirs à demi-effacés et qui reviennent peu à peu,
avec, notamment, cette idée d’une mémoire lacunaire, qui oublie des éléments et en conserve d’autres. A ces jeux de mémoire, Chow mélange ses propres romans,
dans lesquels se mélangent la fiction et la réalité de sa vie (Jing-wen
devenant un androïde dans son roman).
Wong Kar-wai construit un palais dédié aux images issues de la démarche de Chow qui cherche à se souvenir : il filme les soupirs des femmes tristes, les volutes de fumée, les personnages figés et les moments perdus, ceux qui ne comptent pas, à fumer une cigarette sur la terrasse de l’hôtel, en étant accoudés derrière l’enseigne.
Wong Kar-wai construit un palais dédié aux images issues de la démarche de Chow qui cherche à se souvenir : il filme les soupirs des femmes tristes, les volutes de fumée, les personnages figés et les moments perdus, ceux qui ne comptent pas, à fumer une cigarette sur la terrasse de l’hôtel, en étant accoudés derrière l’enseigne.
La vista
visuelle de Won Kar-wai envahit le film : chaque plan est travaillé par un
angle de caméra particulier, une lumière, un cadrage, un mouvement, une vitesse
(il joue avec des ralentis francs et d’autres beaucoup moins marqués). Il colle
les uns aux autres ces fragments de mémoire, comme autant de nappes de passés
qui se chevauchent, se dissolvent en partie, se rattachent les unes aux autres
par des motifs (les deux Su li Zhen), des lieux (les chambres de l’hôtel, le
tripot), des moments (les repères de date qui se rejoignent ou se font
écho), des sons (l’opéra). On retrouve l’esthétisme typique du réalisateur,
très douce et onirique, avec toujours cette teinte désuète particulière (le
Hong-Kong des années 60), mélangée ici avec l’univers futuriste du train fonçant
à pleine allure. La bande-son envoûte elle aussi avec, en fils rouges, un thème
aux violons (qui évoque forcément la mélodie de In the Mood for Love) et le merveilleux Casta Diva de Bellini. 2046 devient ainsi un opéra visuel et
sonore éblouissant assorti d’une idée force (une plongée dans les souvenirs :
« si un jour tu échappes à ton
passé, viens me retrouver ») qu’épouse merveilleusement le style de Wong
Kar-wai.
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