Remarquable film
d’Alfred Hitchcock, d’abord célèbre pour la réalisation qui se voulait d’un seul
trait : réussir un unique plan-séquence, comme un rêve de cinéaste (1).
On le sait, la
longueur des bobines (d’une dizaine de minutes environ) limitait l’ambition
d’Hichcock et il dut jouer savamment de raccords au noir pour masquer au
spectateur le passage d’une bobine à une autre (par exemple en passant derrière
un personnage ou derrière un meuble). Mais, même en acceptant (ce que l’on fait
avec plaisir) ces raccords, le film n’est pas construit en un unique plan-séquence. Hitchcock réalise en effet, malgré tout, plusieurs raccords, très transparents,
qui sont tout à fait conventionnels (ce sont principalement des raccords
regards : ils sont si naturels que le spectateur ne les remarque pas). Le
film comporte donc finalement onze plans, en incluant les raccords au noir qui
donnent l’impression d’un plan unique.
On notera que ce
gigantesque plan-séquence (le film se pense comme tel) ne libère pas le récit
mais l’enferme, au contraire, dans un appartement qui a tout d’une pièce de
théâtre. L’unité de lieu, de temps et d’action est de fait renforcée et le
choix d’Hitchcock se porte sur un environnement confiné où la caméra, si elle
bouge beaucoup, donne l’impression de tourner en rond en suivant les personnages
pas à pas qui se déplacent comme sur une scène de théâtre.
Mais cette
impression de claustrophobie, si elle peut décevoir techniquement, est une
parfaite réussite en ce qui concerne l’atmosphère de plus en plus
étouffante : le malaise va grandissant tout au long du film.
Autre pari de
Hitchcock : les deux protagonistes principaux sont tout à fait haïssables,
et le spectateur sera bien en peine de s’identifier à eux. De même qu’il aura
bien du mal à se retrouver dans James Stewart, tête d’affiche qui devait
attirer le spectateur mais dont Hitchcock ne ménage guère le personnage.
Mais ce qui
surprend peut-être le plus est le sérieux du film (qui est encore un choix du
réalisateur). Si le personnage joué par John Dall tente des sarcasmes et de
l’humour sophistiqué, on est loin de cet humour jouissif que Hitchcock sait si
bien distiller dans bon nombre de ses films.
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(1) : A.
Sokourov réalise ce rêve dans L’Arche
russe, rêve devenu, aujourd’hui, un jeu technique considérablement
simplifié du fait du numérique. Et l’on croise maintenant régulièrement des
films avec très peu de plans (chez Bela Tarr par exemple) ou avec des
plans-séquences extrêmement longs (Birdman
d’Inarritu).
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