Très
beau film de Jean Grémillon qui parvient à relier deux aspects de son
talent : d’une part la description d’un milieu social
(ici un petit village de Bretagne, dont il brosse plusieurs portraits de
villageois), et d’autre part un ton poétique et parfois même onirique qui
déborde parfois de l’image. Il assemble en fait la description sociale fine
telle qu’on la trouve dans Le Ciel est à vous avec la poésie folle de Daïnah la métisse.
Partant
d’un ressort classique (l’arrivée dans le petit village d’une jolie femme qui
déclenche les passions), Grémillon s’appuie sur des personnages complexes et
contrastés, bien souvent solitaires et rejetés (Julien de Kériadec, Maurice ou
Mimi) et qui construisent un enchevêtrement de destins (puisque le passé – avec
les demi-frères qui se haïssent – n’est jamais loin). Le plaisir du film vient
aussi de l'excellente distribution, avec notamment Fernand Ledoux qui compose
un personnage à la fois dur et pitoyable, esclave de son amour. Suzy Delair est
elle aussi remarquable, tout à la fois mordante et fragile, superficielle et
profondément touchée.
Grémillon
joue magnifiquement des extérieurs, montrant la solitude des uns, les jalousies
des autres, les ressorts complexes qui unissent les personnages. Certaines
séquences sont magnifiques, parfois emplies de poésie (les déambulations dans
le château aux pièces recouvertes de paille) ou d’une pulsion de vie baroque
et onirique (l’extraordinaire climax de la scène de mariage qui vire au conflit
dans la lande). Ce mélange de motifs, souvent difficile, est ici parfaitement
réussi.
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