Grand film
de John Boorman, qui remodèle complètement les codes du film noir et jette le
genre dans la révolution du Nouvel Hollywood. Ici tout n’est que flash-backs,
perte de repères, quête sans fin et lumière éclatante (le comble pour un film
noir).
Walker, trahi et laissé pour mort, ne parvient pas à
remonter le fil de ceux qui l’ont trahi. Il porte en lui ce fatalisme des héros
du film noir, mais il ne s’agit plus d’un déroulement inéluctable auquel le
héros fait à peine face (comme dans Assurance sur la mort ou La Griffe du passé),
ici les repères du spectateur sont sans cesse rendus flous et Walker remet à
chaque fois en cause ce qu’il pense
avoir découvert. On sait que les scénarios de films noirs sont volontiers
complexes ou opaques, mais ici le rendu est complètement différent : on
peut même se demander si le film, dans un sens, ne représente pas un univers
mental, comme si on habitait la tête malade de Walker.
Lee Marvin campe
parfaitement Walker, force brute qui veut sa vengeance et qui remonte, pas à
pas, comme il peut, les arcanes complexes d’une organisation qu’il ne saisit pas.
Obnubilé par sa volonté de retrouver l’argent volé, il bouscule l’organisation,
la secoue en tous sens, faisant craquer ses rouages. Finalement il s’agit moins
pour lui de comprendre quelque chose que de progresser jusqu’à arriver à son
argent. Mais, malgré des images saturées de lumière (il n’y a même plus
l’excuse d’une image sombre pour tout cacher), Walker ne voit rien, ne comprend
rien.
Boorman peint
remarquablement une déshumanisation de la société, une disparition de l’affect et de l’émotion pour ne laisser place qu’à des personnages qui sont comme des
éléments mécaniques d’un tout. Au contraire de Walker, qui vient comme un chien
dans un jeu de quilles et qui n’est pas réduit à une coquille vide : il a
encore une volonté farouche, une émotion humaine – un désir de vengeance –, un
but chevillé au corps.
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