Le succès critique de La Ballade
de Narayama (Palme d’or) surprend pour ce film qui, s’il montre la pauvreté
sociale en plein écran, est très inégal. Le film met en scène une humanité
volontiers bestiale et détachée des valeurs morales de notre temps : un
nouveau-né jeté dans une rizière, des cadets rejetés, des vieux qui doivent
mourir. Si l’extrême pauvreté et la dureté des conditions de vie expliquent les
mœurs du village, Imamura insiste sur ces dépravations et expose la crudité de cette violence en plein cadre. Le film multiplie ainsi des scènes qui doivent beaucoup à l’anthropologie, et que Imamura cherche à
contrebalancer par un regard englobant : il
cherche à intégrer les villageois aux cycles de la Nature, les subissant comme
eux, dans l’impossibilité de s’extraire des contraintes dures de la montagne et
de l’autarcie inévitable. Ici la soumission de l’individu à la collectivité et de la collectivité à la Nature est
totale.
La dernière demi-heure, avec la montagne gravie par Orin et
Tatsuhei, est en revanche remarquable. Presque muette, c’est dans cette séquence
que la poésie d’Imamura trouve réellement sa place et permet de créer un écho
et une pulsion dans l’image, équilibrant ainsi la narration qui déborde de misère
tragique. Ce voyage initiatique (qui mène non pas à la vie mais à la mort) est
empli d’une réserve et d’une piété très belles. Et c’est cette poésie, cette
réserve, ce regard silencieux sur la terrible vie des villageois qui manquent
sans doute au reste du film.
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