Très intéressant film des frères Taviani, à la fois dans le
fond – au travers de l’histoire de cet anarchiste idéaliste qui se perd – et
dans la forme, avec une tonalité désabusée étonnante.
Le pivot du film est bien sûr l’anarchiste Manieri
(remarquable Giuolo Brogi), plein d’élan et d’emphase et qui se fait arrêter. La
séquence en forme de chemin de croix qui l’emmène jusqu’au lieu de son exécution
est remarquable. Fébrile il ne faiblit pas mais il est gracié au dernier moment
et le voilà isolé, lui le meneur de troupe, le beau parleur galvaniseur des
autres, dans un sombre cachot pendant dix ans.
Si le rythme ralentit alors, Manieri se bat, refuse de
s’arrêter et survit vaille que vaille. Mais il passe à côté de l’Histoire, forcément,
isolé qu’il est dans sa prison et ne sait rien du mouvement populaire, qui
s’est déplacé du paysan à l’ouvrier. Ses conversations avec les nouveaux
révolutionnaires, au sortir de sa prison, chacun dans sa barque, sont de
parfaits exemples d’incompréhensions et de causes renouvelées qui brisent
l’élan de Manieri et le laissent à ce point seul – plus encore que dans sa
cellule – qu’il préfère disparaître.
Le film est construit autour de plans assez longs, parfois
tout en mouvements (dans la carriole qui emmène le prisonnier) parfois en
multipliant les plans fixes (séquences dans le cachot) et il installe une
distance triste avec Manieri, toujours montré en déphasage, comme un homme qui
est jeté hors de son destin et qui passe au travers. Que ne fut-il exécuté en
son temps !
Le personnage meurtri et le ton désabusé confinent même au
pathétique dans les séquences finales où Manieri, qui a survécut et qui a nourri
seul ses idéaux, se fracasse contre la réalité.
On retrouvera le même ton désabusé dans Allonsanfàn, film qui saisit l’humeur révolutionnaire sous un autre
versant, puisque Fulvio (Marcello Mastroianni), à l’opposé de Manieri, veut
fuir son engagement, et il est sans cesse rattrapé par l’Histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire