Très célèbre film de guerre, Le Pont de la rivière Kwaï consacre
David Lean et lui donne cette réputation de faiseurs de films à grands
spectacles, longs, ambitieux et au succès planétaire (réputation qu’il
confirmera avec l’extraordinaire Lawrence d’Arabie, puis avec le décevant DocteurJivago et perdra ensuite avec La Fille de Ryan). Cette seconde partie de carrière contraste nettement avec
l’intimité anglaise de ses débuts (on pense notamment à Brève rencontre).
Lean est très à l'aise avec l'industrie hollywoodienne qui lui offre tout ce dont elle est capable : il utilise parfaitement le technicolor et le cinémascope, agence de grands mouvements d'appareils et dirige ses acteurs au cordeau, entre la star William Holden, Sessue Hayakawa qui parle anglais comme il peut et Alec Guinness, qui obtient là un rôle légendaire.
Le film, pourtant, est inégal : après une très bonne
première partie – l’affrontement de Saïto et Nicholson, tous les deux engoncés
dans des principes qui les rendent inflexibles –, le rythme faiblit et il ne
repartira réellement que dans la célèbre séquence finale. C’est que, à partir
du moment où Nicholson a vaincu Saïto et que Shears s’est échappé du camp, le
spectateur tourne un peu en rond. Nicholson reprend les choses en main tandis
Saïto se liquéfie et disparaît du champ. On comprend très vite à quelles
contradictions vont mener les belles intentions – emplies d’honneur et de
principes – du colonel. Et les séquences où Shears s’évade et doit être
convaincu de s’embarquer dans l’opération commando sont trop en rupture avec la
tension et le ton général de la première partie du film.
Si le rôle consacrera Alec Guinness (que l’on trouve
pourtant plus convaincant dans les comédies de ses débuts (1)), on préférera sans
doute le charisme de William Holden, qui manque au camp après son évasion, et
dont le cynisme désabusé fait mouche.
La fin en revanche est une très belle séquence d’action avec
le pont miné, le niveau de l’eau qui a baissé au matin, le combat final et
l’image fameuse d’Alec Guinness qui s’affaisse sur le détonateur.
Le film, cependant, s’apparente à un simple film d’action,
dans le sens où Lean n’a guère de propos sur la guerre. La folie et la cruauté des
hommes, les principes comme raisons vitales, l’honneur d’un soldat au milieu de
la honte d’une reddition, cela est assez convenu et ne semble intéresser Lean
qu’à demi. On est loin, aussi, d’un regard sur un univers. Ici le camp de
prisonnier ou la jungle auraient pu être traités à la fois comme toile
de fond et comme centre du récit (comme Lean le fera avec le désert dans Lawrence d’Arabie).
(1) : On s'amuse de voir Alec Guinness être devenu si célèbre d'abord pour son interprétation du colonel Nicholson et ensuite pour son rôle d'Obi-Wan Kenobi dans Star Wars, alors que c’est dans les comédies anglaises qu'il a pu donner la pleine mesure de son talent. On pense à Noblesse oblige ou Tueurs de dames où ses compositions sont autrement plus abouties et complexes.
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