vendredi 6 septembre 2019

Reservoir Dogs (Q. Tarantino, 1992)




Si ce premier film de Quentin Tarantino rencontra un bon succès, il faut dire que son style – style qu’il déploiera davantage encore dans ses films suivants – est déjà très marqué : la caméra va et vient, tantôt s’éloignant, tantôt se rapprochant au plus près des personnages ; on sent le plaisir du manieur de caméra derrière ces effets, un plaisir pur à jouer avec ses personnages et sa narration. On sent de même la puissance visuelle du réalisateur, capable de capter une énergie en un plan, de faire pulser tout à coup la tension et la violence dans son image.
L’éclatement de la narration est aussi un élément fort du film puisqu’il démarre alors que la scène classiquement centrale (le hold-up) est achevée et le film fonctionne ensuite avec une succession de flash-backs qui viennent progressivement éclairer certains aspects de l’histoire. C'est une narration qui se permet aussi des ellipses spectaculaires (le hold-up, malgré les retours en arrière, ne sera finalement jamais montré). Tarantino s’inspire beaucoup du polar hongkongais de Ringo Lam City on fire : il en reprend la séquence finale et travaille son film à partir de celle-ci. Et Reservoir Dogs a la bonne idée d’emmener au bout la fameuse scène de l’impasse mexicaine où tout le monde se met en joue (présente dans City on Fire, mais sans que personne ne tire).

On trouve aussi dans Reservoir Dogs les deux principaux éléments de style qui ne quitteront guère Tarantino : d’une part le goût pour les discussions sans grand intérêt, dans des scènes qu’il étire volontiers. Ici on parle de Madonna, là on parle de cheese burgers (dans Pulp Fiction) ou on prend son temps pour raconter avec force détail une histoire bien secondaire (Les Huit salopards). Si d’aucuns ont pu dire que, comme par magie, il parvenait à parler de rien sans ennuyer, il y a là un bémol certain : cette manie de Tarantino garantit au contraire de trouver des moments d’ennui – plus ou moins longs, plus ou moins lourds – dans chacun de ses films. Ces moments sont comme un élastique que le réalisateur étire : avec peu de choses le temps s’allonge.
Seconde manie tout aussi nette : son goût pour la violence explosive, pour le barbouillage de sang, pour le gore. Ici Mr Orange baigne volontiers dans son sang, Mr Blonde joue de son rasoir pour torturer un policier en musique et la violence bruyante et crue emplit l’écran.
Ces deux éléments indissociables du réalisateur provoquent ainsi ce malentendu du spectateur : les films de Tarantino sont toujours violents, mais ils ne sont pas toujours des films d’action.


Cela dit Reservoir Dogs est une réussite : il revisite à sa façon le polar, jouant avec les codes (le flash-back est un élément classique du polar, mais sans aller jusqu’à éclater la narration comme ici), le dotant d’une énergie éruptive qui déboule sans crier gare. Et Tarantino, passionné et talentueux, place délibérément son film dans le registre outrancier qu’il affectionne.


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