lundi 25 mai 2020

Lincoln (S. Spielberg, 2012)




Alors que  – vu le titre – l’on pense avoir à faire à un biopic sur Lincoln, Steven Spielberg se concentre en réalité sur les dernières semaines de la guerre de Sécession, au moment des débats sur le fameux 13ème amendement, qui met fin à l’esclavage. Si Lincoln est bien sûr au cœur du film, ce resserrement du personnage sur cette seule action en dit long sur le parti-pris historique du film qui réduit le légendaire président à ce seul acte. On comparera avec la façon dont Ford, en particulier, le filme dans Vers sa destinée : Lincoln représente alors l’aspiration d’un peuple, il en est l’incarnation, dans sa stature même. Chez Spielberg il est un vieux sage, au fait des choses politiques, qui sent qu’il faut profiter d’un moment particulier (la fin de la guerre) pour passer cette loi décisive. Lincoln porte ici très haut des idées très nobles, mais il n’incarne pas son pays.
Cela dit Spielberg magnifie le personnage à l’image : Lincoln est un sage qui apaise et qui sait, au fond, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Absolument remarquable, Daniel Day-Lewis est fidèle à la qualité toujours exceptionnelle de ses interprétations.
Et le film s’attarde sur l’habileté politique de celui qui a compris que les morts de la guerre civile ne devaient pas l’être pour rien. Le film devient même parfois purement politique, avec plusieurs séquences très longues de discussions et de vote au Parlement (on se croirait dans Tempête à Washington de Preminger).



Formellement, Spielberg propose un film remarquable, avec une photographie splendide, d’un noir tout en retenue, où contrastent des éclats de lumière. On retrouve avec plaisir la vista de Spielberg, lui qui a si souvent laissé son talent de côté dans de nombreux films de commande.
On remarquera, en particulier, son art de l’ellipse dans la façon de traiter la reddition de Lee : en une séquence, Spielberg retrouve les traces de Ford puisqu’honorer Lee c’est commencer à reconstruire la Nation. Cette séquence digne et sobre est exceptionnelle.
Autre moment remarquable : l’assassinat de Lincoln, qui est lui aussi laissé tout à fait hors-champ et qui n’est filmé qu’au travers des yeux de son fils apprenant la nouvelle, alors même qu’il est au théâtre.


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