Kaneto Shindō construit
avec son extraordinaire Île nue un film très austère, réduit
au quotidien dur et ancestral d’une famille coincée sur son île. Shindō
allie le fond et la forme : si le film est sonorisé, il n’y a pas un
dialogue. On retrouve ici le silence de la vie dure (silence que Béla Tarr
déploiera dans Le Cheval de Turin), celui
de l’acceptation d’une condition. À ce silence, répondent les dos courbés et l’abnégation
sans faille. Même la violence qui sourd du film (la réaction du mari quand la
femme renverse de l’eau ; la tragédie qui les frappe un peu plus tard) est
écrasée, à son tour, par cet inaltérable quotidien qui semble un châtiment
perpétuel.
Cela dit, si l’on
comprend que le film soit taiseux, l’absence totale de dialogues semble surfaite.
Le parti-pris esthétique de Shindō devient trop voyant et, par là même, quelque
peu artificiel.
Mais Shindō réussit un étonnant alliage de plans larges très beaux, lents et presque sereins avec des plans rapprochés qui cherchent à scruter au plus près le quotidien de la famille. Et il reste aussi ces images tenaces de l’austérité d’une vie, avec, chaque jour, cet infini trajet
en barque pour aller chercher de l’eau douce et la ramener sur l’île – version
aquatique du rocher de Sisyphe – et verser aux quelques maigres herbes du
potager un peu d’eau pour que, malgré le vent, la sécheresse et l’âpreté du
monde, les pousses sortent de terre peu à peu.
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