jeudi 4 juin 2020

L'Île nue (Hadaka no shima de K. Shindō, 1960)




Kaneto Shindō construit avec son extraordinaire Île nue un film très austère, réduit au quotidien dur et ancestral d’une famille coincée sur son île. Shindō allie le fond et la forme : si le film est sonorisé, il n’y a pas un dialogue. On retrouve ici le silence de la vie dure (silence que Béla Tarr déploiera dans Le Cheval de Turin), celui de l’acceptation d’une condition. À ce silence, répondent les dos courbés et l’abnégation sans faille. Même la violence qui sourd du film (la réaction du mari quand la femme renverse de l’eau ; la tragédie qui les frappe un peu plus tard) est écrasée, à son tour, par cet inaltérable quotidien qui semble un châtiment perpétuel.
Cela dit, si l’on comprend que le film soit taiseux, l’absence totale de dialogues semble surfaite. Le parti-pris esthétique de Shindō devient trop voyant et, par là même, quelque peu artificiel.


Mais Shindō réussit un étonnant alliage de plans larges très beaux, lents et presque sereins avec des plans rapprochés qui cherchent à scruter au plus près le quotidien de la famille. Et il reste aussi ces images tenaces de l’austérité d’une vie, avec, chaque jour, cet infini trajet en barque pour aller chercher de l’eau douce et la ramener sur l’île – version aquatique du rocher de Sisyphe – et verser aux quelques maigres herbes du potager un peu d’eau pour que, malgré le vent, la sécheresse et l’âpreté du monde, les pousses sortent de terre peu à peu.



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