Joseph Losey affiche
d’emblée (par une adresse au spectateur) sa volonté de prise de distance et
d’objectivité ou, à tout le moins, celle de ne pas s’enfermer dans du
militantisme, alors que le film, par son sujet même, est très politique.
On suit alors
Trotsky enfermé dans son hacienda et, en parallèle, Frank Jacson, qui se
rapproche peu à peu de sa cible. Et le film a le bon goût d’être fidèle à ce
qu’il annonçait en présentant les événements de façon assez détachée, distante
même, ne prenant pas parti, ni pour Trotsky – qui est montré à la fois dans son
intelligence et dans ses illusions (il croit influencer encore le monde) – ni
pour Frank Jacson, que Delon joue intelligemment, très taiseux, distant,
mystérieux, à la fois altier et minable.
Cette distance
du réalisateur laisse le spectateur dans une position assez rare et
remarquable : c’est à lui de faire avec ce qui lui est livré, de préférer
y voir un gâchis (Trotsky meurt alors qu’il avait encore de l’énergie et des
intentions) ou plutôt un crépuscule (Trotsky vivait dans une bulle qui allait
s’amenuisant et sa vie était déjà derrière lui) ou peut-être un combat perdu
(enfin ses adversaires ont réussi à le faire taire) ou simplement une mort un
peu stupide (Frank Jacson semble un peu minable et qu’il assassine un tel homme
est un accident de l’histoire), etc. Et c’est le traitement du sujet par Losey
qui permet ce croisement des directions interprétatives, dont aucune n’est
vraiment privilégiée, et qui enrichit donc le film bien plus qu’une prise de
position nette.
Alain Delon,
mais aussi Richard Burton, qui joue tantôt avec emphase, tantôt avec retenue, densifient parfaitement leurs personnages (on n’en dira pas autant de
Romy Schneider, dont le rôle, certes secondaire, reste très creux).
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