mardi 8 septembre 2020

L'Assassinat de Trotsky (J. Losey, 1972)




Joseph Losey affiche d’emblée (par une adresse au spectateur) sa volonté de prise de distance et d’objectivité ou, à tout le moins, celle de ne pas s’enfermer dans du militantisme, alors que le film, par son sujet même, est très politique.
On suit alors Trotsky enfermé dans son hacienda et, en parallèle, Frank Jacson, qui se rapproche peu à peu de sa cible. Et le film a le bon goût d’être fidèle à ce qu’il annonçait en présentant les événements de façon assez détachée, distante même, ne prenant pas parti, ni pour Trotsky – qui est montré à la fois dans son intelligence et dans ses illusions (il croit influencer encore le monde) – ni pour Frank Jacson, que Delon joue intelligemment, très taiseux, distant, mystérieux, à la fois altier et minable.
Cette distance du réalisateur laisse le spectateur dans une position assez rare et remarquable : c’est à lui de faire avec ce qui lui est livré, de préférer y voir un gâchis (Trotsky meurt alors qu’il avait encore de l’énergie et des intentions) ou plutôt un crépuscule (Trotsky vivait dans une bulle qui allait s’amenuisant et sa vie était déjà derrière lui) ou peut-être un combat perdu (enfin ses adversaires ont réussi à le faire taire) ou simplement une mort un peu stupide (Frank Jacson semble un peu minable et qu’il assassine un tel homme est un accident de l’histoire), etc. Et c’est le traitement du sujet par Losey qui permet ce croisement des directions interprétatives, dont aucune n’est vraiment privilégiée, et qui enrichit donc le film bien plus qu’une prise de position nette.


Alain Delon, mais aussi Richard Burton, qui joue tantôt avec emphase, tantôt avec retenue, densifient parfaitement leurs personnages (on n’en dira pas autant de Romy Schneider, dont le rôle, certes secondaire, reste très creux).


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