jeudi 3 septembre 2020

Ils aiment la vie (Kanal de A. Wajda, 1957)




Andrzej Wajda a essentiellement filmé l’histoire de la Pologne : l’après-guerre terrible avec la lutte entre les patriotes et les communistes (dans ses trois premiers films), puis le joug communiste (L’Homme de marbre) et la montée des syndicats (L’Homme de fer) et revenant tardivement sur les massacres du début de la guerre (avec Katyn). Ici, après Une fille a parlé et avant Cendres et diamant, il explore la confrontation de la jeunesse polonaise avec la guerre : ces jeunes adultes découvrent le monde dans la violence et la mort, traqués et perdus, bientôt fatigués et résignés.
Passant habilement d’un film sur la grande histoire (l’insurrection de Varsovie de septembre 1944) à une histoire rapidement plus intimiste, la fin très noire montre le regard sans faux semblant de Wajda qui, au moment où il tourne, sait comment se terminera cette insurrection et à quel point la Pologne sortira décimée et ravagée par la guerre.

Wajda rompt surtout avec l'académisme du réalisme socialiste en imposant un style marqué, esthétique et romantique (malgré la violence du propos), avec des lumières contrastées, des plans exagérés et une présentation du monde très sombre. Le film, d’ailleurs, se passe pour l’essentiel dans les égouts ; égouts d’où l’on ne ressort pas vivant, mais où l’on se perd, où l’on est traqué, où l’on s’illusionne ou se désespère.
On trouvera des traces de ce film dans Cendres et diamant, où Maciek dit porter des lunettes noires en souvenir des égouts traversés pendant la guerre.



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