mercredi 9 décembre 2020

Tueurs nés (Natural Born Killers de O. Stone, 1994)



Avec une vista évidente, Oliver Stone entraîne le spectateur dans un maelstrom d’images et d’ambiances, renchérissant sans cesse sur la violence à la fois de l’image et du propos.
Il y a, et c’est inévitable, une part de complaisance, dans un film très violent qui a la violence pour sujet, un film spectaculaire qui parle de la spectacularisation de la violence par les médias, un film qui crée des personnages iconiques (1) en traitant de Mallory et Mickey (révélant Woody Harrelson, dont la perpétuelle ironie bestiale envahit l’écran) qui deviennent des stars des médias, un film, enfin, dont la forme tend à fasciner et qui dénonce la fascination pour la violence.


Oliver Sone fait jaillir son film en tous sens hors de l’écran, créant un chaos d’images, une rupture permanente de tons, de rythme, balançant sa caméra en tous sens, multipliant les saynètes, zappant d’un style à l’autre, ralentissant un instant pour mieux accélérer, comme un gigantesque clip. D’emblée la forme reflète le fond du propos : la violence, la médiatisation, la télévision et son zapping, la publicité et les sitcoms, tout cela s’immisce de plus en plus dans le style d’Oliver Stone. Le film, alors, ne montre pas seulement la violence frénétique : il devient frénétique et violent lui-même, dans sa forme. Avec plusieurs milliers de plans (plus que les expérimentations les plus ardues d’Eisenstein) qui sont compressés et malaxés, tantôt en noir et blanc, tantôt en lumière filtrée ou teintée, Oliver Stone singe ici une publicité ou un mauvais feuilleton, glisse là des images d’archives, et, bien entendu, accorde à ce chaos d’images une bande son ad hoc, où Leonard Cohen côtoie l’opéra.

Dans ce road movie sexualisé, noir et sans espoir, mix carnavalesque, déjanté et ultraviolent de Bonnie & Clyde et de La Balade sauvage, Oliver Stone délivre une vision cinglée, frénétique et corrosive d’une Amérique malade, qui ressort en lambeaux après le déferlement de cette charge frénétique, ininterrompue et vénéneuse.





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(1) : On sait que, à l’instar d’autres films du même acabit (Orange mécanique, etc.) plusieurs auteurs de tueries se sont référés aux tueurs du film (notamment les deux auteurs de la tuerie de Columbine).






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