Splendide et
original polar de Yoshitaro Nomura, qui, bien loin de s’en tenir aux films
violents de type Yakuza, propose une atmosphère tout à fait différente, sur un
rythme lent, qui permet d’entrer progressivement (comme le font les enquêteurs
eux-mêmes) dans la compréhension de la psychologie du meurtrier et de son
histoire singulière.
Dès lors, bien
plus que l’enquête elle-même, c’est l’histoire du Japon qui intéresse Nomura.
En effet le film propose, si ce n’est une réflexion, du moins un regard sur les
deux Japons : celui d’avant-guerre, montré comme ancien et appartenant à
un passé révolu, et celui, moderne, de l’après-guerre.
Le film répond à
cette dualité en étant lui aussi, dans les grandes lignes, coupé en deux. La
première partie se concentre sur la longue enquête de l’inspecteur Imanishi
épaulé par le jeune Yoshimura, enquête emplie de fausses pistes, d’impasses, et
dont l’avancée ne tient qu’à un fil. Puis vient le moment du rapport à ses
pairs (et aux spectateurs) de Imanishi, en même temps qu’un magnifique montage
parallèle montre Waga Eiryo lors de son concert et le même, enfant accompagnant
son père lépreux, lorsqu’ils étaient des parias chassés de village en
village.
Le texte final,
qui précise combien ce temps où les lépreux étaient chassés est désormais
révolu, oriente l’interprétation du film vers les deux époques du Japon que
montre le film.
Ces deux époques
sont d’ailleurs aussi habilement montrées comme séparées dans l’espace. Et le
film joue de la correspondance entre espace temporel et espace
géographique : l’enquête conduit les inspecteurs dans le Japon du Nord qui
est montré comme un Japon du passé, avec ses traditions, ses maisons en
bois, ses villages loin de tout, ses chemins de fer désuets. Au contraire,
Tokyo est moderne, avec ses bars de luxe ou ses wagons récents.
Le temps et l’espace se conjuguent donc pour montrer combien l’histoire de Waga
enfant appartient à un passé qu’il veut voir disparu à jamais – quand bien même
son père n’est pas encore mort – et qu’il communique avec lui autrement,
par-delà l’espace et le temps, par la musique. Cette démonstration n’est pas
réellement dite mais elle est suggérée par l’image et la musique dans cette magnifique
et longue séquence où le temps et l’espace se croisent.
mardi 26 janvier 2021
Le Vase de sable (Suna no utsuwa de Y. Nomura, 1974)
Et le film, qui
procure une forte charge émotionnelle (en particulier avec le concert qui
vient appuyer les images de misère du père et de son fils), ne distille aucune
nostalgie, preuve que Nomura, conscient du passé, fait comme son
meurtrier : il communique avec ce passé, mais il ne l’intègre pas
réellement dans le présent, pour ne pas condamner ou remettre en cause
l’avenir.
Le film brasse également
des motifs visuels (collines verdoyantes dans le brouillard ou la pluie,
villages isolés dans la montagne ou en bord de mer, chemins de fer qui coupent
le paysage, banlieues entre béton et verdure, etc.) que l’on retrouve souvent dans le cinéma japonais, qu'il soit ancien ou beaucoup plus récent : bien loin du simple
polar, Le Vase de sable propose un
rapport au paysage et à la Nature qui déborde largement le film de genre.
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