lundi 8 février 2021

La Captive (C. Akerman, 2000)

 

Chantal Akerman se lance dans une adaptation de Proust – La Captive s’appuie sur La Prisonnière, avant-dernier tome de La Recherche –, auteur si opposé à l’adaptation cinématographique.
Mais Akerman, avec son univers si singulier, ne cherche pas à transposer la phrase proustienne à l’écran, elle ne fait pas non plus lire par une voix off des paragraphes, ni ne reconstitue le monde de Proust du début du XXème siècle. Comme c’est souvent le cas lorsqu’un cinéaste a un univers personnel très marqué et qu’il s’y tient, il est à même de réellement « adapter » : c’est-à-dire non seulement porter à l’écran, mais faire sien une matrice qu’il raccorde à ses motifs ou à son style. Ici l’enfermement moral et qui confine à l’aliénation – thème récurrent chez Akerman avec son rythme très lent, parfois calqué sur les scènes en durée réelles – s’accorde avec l’approche si fine de Proust qui délabyrinthe sa mémoire et dissèque son passé.

Après une séquence d’ouverture qui installe parfaitement le film dans un regard proustien, avec une évocation habile des jeunes filles en fleurs, La Captive reprend les grandes lignes du roman, troquant Albertine pour Ariane. L’ensemble est très pictural, jouant de teintes parfois délavées, parfois plus marquées ; de pièces dont les couloirs et les encadrements viennent sans cesse encombrer le cadre ; d’extérieurs filmés magnifiquement. Le rythme naturellement lent d’Akerman suit cette quête insaisissable : Simon, obsessionnel et paranoïaque, ne supporte pas qu’une part d’Ariane lui échappe. La splendide scène, très évocatrice, où Simon se presse contre Ariane et ce murmure – « Andrée » – qui surgit quand il la caresse, désigne parfaitement l’imaginaire au cœur de la relation. Et exprime ce que Simon n’accepte pas : il y a (et il y aura toujours) une part d’Ariane qui lui échappe. Le film préserve d’ailleurs cet inconnu impalpable puisqu’on ne saura jamais réellement ce que pense Ariane (Sylvie Testud, avec un jeu très anémique, campe parfaitement le rôle). Dès lors Simon devient tout à fait captif de sa paranoïa et le bonheur n’est plus possible.




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