Belle réussite de Steven Spielberg qui, sur fond d’un univers de
science-fiction très bien en place, fait galoper son héros dans tous les sens.
Mais le film – c’est là une de ses grandes forces – est bien plus qu’un simple
film d’action efficace dans un monde futuriste.
Il est bien plus, aussi, qu’un
regard sur la société où la question intéressante – et qui s’amuse à tourner en
boucle comme une gravure d’Escher – de savoir si un crime qui n’a pas eu lieu
peut être puni comme s’il avait eu lieu puisque l’on sait qu’il aurait eu lieu,
quand bien même il n’a pas eu lieu. On retrouve bien dans ce jeu scénaristique toute la vista
de l’auteur d’Ubik dont la nouvelle
The Minority Report est à l’origine du film. Le regard dystopique qui promeut une nouvelle société
idéale est tout à fait effrayant sur ce point.
Mais le cœur du film – le cœur cinéphilique du film si l’on peut dire, puisqu’il rejoint le génie propre du cinéma – est ailleurs. Il est dans la mise en image des visions des précogs : leurs pensées, leurs rêves prémonitoires deviennent des images. Et si les précogs ne se trompent pas, cela revient à dire que l’image ne ment pas. Mais encore faut-il la faire parler. On n’est plus très loin, alors, du questionnement central de Blow-Up.
Il faut alors démêler dans toutes ces images le vrai du faux, faire parler les
images, les assembler, les monter entre elles, jeter les rushes inutiles. Un
des grands sujets du film devient alors l'image elle-même, ce qu'elle signifie,
ce qu'on peut lui faire dire.
Et le film pousse l'idée assez loin : les images des précogs ne mentent pas, nous dit John Anderton (très efficace Tom Cruise), mais, dès qu'il est prisonnier de la prémonition, s'il veut rester innocent, il doit prouver, au contraire, que les images mentent et qu'elles ne doivent plus dire la vérité. Anderton, alors, scrute l’image pour la comprendre : il se bat au milieu
de ces images du futur qu'il triture et assemble pour leur donner un sens, un
peu comme un monteur qui, par le montage, construit un récit continu et signifiant à partir des multiples
scènes discontinues qu’il a sous la main après le tournage (Anderton est dans
ce sens une métaphore du réalisateur/monteur qui, en technicien génial,
fabrique un film).
Ajoutons qu'Anderton se bat aussi avec les images
de son passé qui l’obsèdent (son enfant, sa vie passée) et ces deux types
d'images – celles du passé et celles du futur – qu’il cherche à comprendre et faire correspondre (puisque les unes te les autres sont liées nous dit le film), l'influencent et orientent
sa vie. Et cette manière
qu’a le film, à travers le prétexte de la science-fiction, de nous montrer la façon
dont les images du passé peuvent nous hanter et comment celles du futur (c’est-à-dire
l’image que l’on se fait des choses) peuvent nous déterminer est tout à fait
réussi.
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